Cinq personnes, une envie : Twin studios est né il n'y a que quatre ans. Et c'est sans complexe face aux plus grands que ses fondateurs peuvent déjà nous conter son histoire.
Pour monter Twin Studios, il aura fallu attendre la bonne combinaison de faits, de moyens, d'hommes et de lieux. Et avant cela, il aura surtout fallu beaucoup de ténacité. « A cette époque, il était annoncé que deux studios d'enregistrement fermaient leurs portes. Nous avons pensé que notre arrivée ne saturerait pas le marché. C'était plutôt un principe de vase communicant : les plus anciens arrêtent quand les jeunes montent leur structure ».
Situé à la lisière du Bois de Boulogne, le blockhaus abritait le Studio Méga qui a, quant à lui, choisi de grandir à Suresnes. « Sachant que ce local était toujours à céder et ayant obtenu le financement pour acquérir la console SSL, nous sommes allés voir Thierry Rogen, directeur de Méga. Nous avons fait l'affaire comme ça, un peu comme une passation mais sans cession de clientèle. Malheureusement, les débuts n'ont pas été si simples car aucun studio n'a cessé son exploitation ! ».
L'union fait la force
Il faut noter que Twin est une histoire d'équipe qui se composait à l'époque de Frédérique Amory, Nicolas Garin, Marc Macé et Sylvain Duhammel. Chacun d'eux ayant déjà beaucoup de métier, le potentiel en clients était conséquent et d'une grande complémentarité. Ce qui fut exploité... Comme toute société qui se forge, il y eut également la guerre, la concurrence sauvage, les mailings... Grâce à la prospection pure, deux affaires ont abouti sur un coup de chance.
Dans des styles très divers, sont passés dès les premiers temps des artistes comme Arthur H, François Feldman ou Garry Christian. C'est en gardant son image de marque et une communication constante que Twin a pu donner une grande fête pour ses deux ans. Si celle-ci a été organisée comme un coup de publicité, c'était surtout pour faire plasir et se faire plaisir. « C’était le passage des deux ans et demi. Nous savions que nous ne déposerions pas le bilan, et si les dettes n'étaient pas épongées dans leur totalité, nous avions gagné ! Nombre de gens présents ce jour-là n'étaient pas des clients. Ils sont venus par amitié, dans un esprit de famille. »
En effet, s'il ne se différencie pas côté matériel, il se différencie bel et bien par sa grande discrétion. Les artistes peuvent facilement s'y rendre sans redouter qu'une meute de curieux les y attende. Et, quand le sourire et l'efficacité de l'équipe sont assurés, l'influence sur le choix du studio pourrait se poser là. Chacun des trois assistants a sa propre personnalité, complétée par celle d'Yves Teste, l'ingénieur de maintenance et Frédérique Amory.
Twin n'est pas dirigé par un patron mais par cinq personnes complices qui se soutiennent et vont dans le même sens. « En fait, nous sommes prestataires de services. Aujourd'hui, les studios n'ont plus UNE couleur musicale, tous les styles se croisent. Le bon entretien des machines est, bien entendu, un facteur déterminant, d'où l'intérêt d'un ingénieur de maintenance sur place. C'est un aspect primordial. Nous n'avons pas droit à l'erreur aussi bien vis-à-vis de l'artiste que du producteur, de la maison de disques, etc. Il y a trop de gens et d'argent en jeu. Une journée de retard parce qu'une machine tombe en panne et c'est la catastrophe pour tout le monde. Nous devons toujours être prêts ! »
Du Rap à Mick Jagger
Si la progression, « comptablement parlant », s'est faite de manière constante, le livre d'or de Twin s'est rapidement vu émarger par de grands noms. Des groupes Rock ont fait sonner leurs guitares, quand le Rap a envahi la place pendant neuf mois avec Les liaisons dangereuses (Doc Gynéco, Tapie et compagnie ... ). C'est alors que Jean-Jacques Goldman (n'hésitant pas à faire un titre pour Joe Cocker au Blockhaus), Florent Pagny, les Gipsy Kings, et Charlie Watts (il y a un an) ont suivi. "C'est quand Charlie Watts est arrivé que nous avons prouvé que nous existions réellement parmi les plus grands. Même si c'était latent, ce n'était pas évident. Il est non seulement venu, mais il est resté. Un an plus tard, Mick Jagger nous réserve dix jours de studio et reste finalement un mois ! C'est une grande fierté à tous les niveaux, même pour l'équipe qui oeuvre dans l'autre cabine, comme une espèce d'euphorie qui gagnerait tout le monde et récompenserait leurs efforts.
Tel l'artisan qui ne peut pas tricher avec la matière, nous savons que nous avons bien fait notre travail. Quoi qu'il en soit, connus ou pas connus, nous sommes là pour les artistes. »
Mais rien n'est jamais acquis. Le planning ne se fait qu'entre deux semaines et un mois à l'avance. De quoi se faire quelques cheveux blancs. Si ce n'est Jean-Jacques Goldman qui serait prévoyant, des artistes comme Charlie Watts ou Mick Jagger réserveraient du jour au lendemain ! « Il faut se rendre disponible, c'est le jeu du planning, un métier à part entière. Satisfaire tout le monde n'est pas toujours facile. Si nous ne pouvons pas libérer les dates que l'on nous demande, nous appelons un studio équivalent. Malgré la concurrence, nous arrivons à avoir cet échange. Pour monter un studio actuellement, il faut être totalement inconscient. Bien étudier le dossier d'abord et se lancer le jour venu. ll n'y a plus qu'une chose à faire alors : avancer. »
Quatre ans plus tard ?
Quelques questions les tourmentent néanmoins, notamment dans le choix des machines. Aujourd'hui équipés d'une SSL 4000, iront-ils vers la 9000 ou une console numérique? Le DVD ne va-t-il pas être utilisé de façon systématique pour la musique pure ? Le magnétophone à bandes ne deviendrait-il pas qu'un simple outil supplémentaire de sauvegarde permettant d'aller d'un studio à l'autre? « Twin a été un pari, beaucoup de gens y ont cru, tant les ingénieurs que les fournisseurs, et les banquiers ont suivi. On peut dire que nous avons des bases solides. Maintenant, à nous de ne pas faire d'erreur.
Bref, même lorsque l'on a accueilli Mick Jagger, on continue à mal dormir… Nous avons un an et demi-deux ans pour voir comment les choses évoluent, si les ingénieurs du son apprécient réellement les consoles numériques et les utilisent. Voir également s'il reste une demande sur la SSL 4000G et la Neve 8108. A ce propos, c’est nous qui avons lancé la mode de la vieille Neve ! Lorsque nous l’avons achetée, il n’y en avait qu’une qui se trouvait au studio mobile Voyager. Les ingénieurs et les clients ont compris qu’elle avait un son, il est vrai qu’ils ont démarré avec elle il y a quinze ans ! »
Et ils ne s’arrêtent pas là. Jeunes peintres, venez donc exposer chez Twin Studios ! « C’est une ouverture sur un autre art. Cela nous permet d’organiser des vernissages pour des artistes qui n’ont pas les moyens d’avoir pignon sur rue dans une galerie. Ainsi, tous les gens qui passent ici peuvent découvrir de nouveaux talents. Ce sont des rencontres qui se font donc dans le plus pur respect artistique. »
Twin Studios - 2 avenue du Maréchal Maunoury 75016 - +33 1 45 04 00 44 - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. - www.twinstudiosparis.com
Propos recueillis par Maritta Calvez en février 2000 (magazine Computer Music n°9)