Amateurs de flexibilité, fiers défenseurs de l'imagination débordante, ce multi-effets numérique vous rassasiera, tant son architecture algorithmique est emprunt d'une évidente malléabilité…
Sans préambule, nous vous invitons à ingurgiter quelques précisions d'ordre informatique, tout aussi rébarbatives qu'indispensables à la bonne compréhension de cet article. Or donc, l'appareil exploite un DSP maison, le S-DISC, dont la conception aurait coûté au constructeur plus d'un million de dollars. La carte sur laquelle est fixé ce processeur héberge également 768 Ko de mémoire RAM (destinée à la mémorisation des données audionumériques), et tout autant de mémoire CPU (destinée au traitement des données audionumériques). Selon sa nature et sa puissance, chacun des effets qu’est capable de produire le S-DISC consomme une certaine quantité de RAM et de CPU.
Ces quantités, qui font l'objet d'un récapitulatif en fin de mode d'emploi, sont exprimées en nombre de blocs (c'est-à-dire de mots de 24 bits, car telle est la résolution interne des données traitées). Sachez que tel effet ne grignotera peut-être que de la mémoire CPU (30 blocs pour l'égaliseur paramétrique à trois bandes), tel autre beaucoup plus de RAM que de CPU (235 blocs contre 12, pour un délai mono de cinq secondes), etc. D'ici quelques instants, l'utilité de ces chiffres un peu abstraits vous apparaîtra plus clairement.
Jeu de construction
Les programmes du TSR-24 sont au nombre de 233 : 105 en ROM, 128 en RAM (n'allez pas confondre ces mémoires, dédiées au stockage des paramètres, avec celles du S-DISC). Chacun d'eux repose sur un algorithme, qui conceptuellement parlant, consiste en une combinaison d'effets connectés entre eux d'une façon à déterminer. A la différence de la plupart de ses concurrents, DigiTech, en plus d'offrir d'origine divers algorithmes (20 d'entre eux résident en ROM), permet à l'utilisateur de se confectionner les siens (32 emplacements RAM les accueilleront). Construire un algorithme nécessite, dans un premier temps, de sélectionner un ou plusieurs des 58 effets que propose DigiTech (rien n'interdit du reste de piocher plusieurs fois le même).
Ainsi, dans la limite des stocks de mémoire S-DISC disponible, libre à vous de combiner ceux de votre choix. On prendra toutefois soin de se munir d'une calculette, puisqu'aucune fonction n'autorise la consultation de la mémoire libre en cours de programmation (d'où l'intérêt du tableau récapitulatif que nous évoquions).
Aiguillages
Les effets regroupés au sein d'un algorithme sont à considérer comme des modules, certains comportant une entrée, d'autres deux, certains comportant une sortie, d'autres deux, d'autres quatre. L’heure est venue d'ordonner ces modules, de les connecter les uns aux autres, tout en reliant certains d'entre eux à une ou plusieurs des deux entrées et des quatre sorties du TSR-24. Un procédé d'une extrême souplesse, d'autant que rien n'empêche de raccorder une sortie d'effet aux entrées de plusieurs autres, et réciproquement (raccorder plusieurs sorties d'effets vers l'entrée d'un autre), par l'intermédiaire de modules appelés « mixers », (cf. figure 1).
Ces « mixers », que l'on intercalera n'importe où, existent en version mono (2, 3, 4 ou 8 entrées) et stéréo (2, 3, 4, 5, 6, 8, 12 ou 16 entrées). Dommage que l'écran du DigiTech (un LCD 2 x 16 caractères tout ce qu'il y a de plus ordinaire, ne permette pas de visualiser les choses de façon graphique. En attendant qu'un développeur ait l'heureuse idée de plancher sur un logiciel d'édition, nous vous conseillons, avant de vous lancer tête baissée dans la programmation d'un algorithme, de tracer un diagramme sur papier.
Que vous dire, sinon que tout ou presque, semble possible : considérer le TSR-24 comme deux multi-effets stéréo indépendants, créer une réverbération quadriphonique, exploiter une entrée et une sortie en tant que prise d'insertion (cf. figure 2), etc. Nous voici face à un traitement du signal façon Lego : de quoi satisfaire les imaginations les plus débridées…
Expliquer le concept des algorithmes ne manque certes pas d'intérêt. Toutefois, pour les apprécier à leur juste valeur, encore conviendrait-il de savoir à quoi ressemblent les 58 effets auxquels nous avons droit. La GigaVerb, l'une des cinq réverbérations du TSR-24, est la fierté de la firme : quatre sorties (stéréo avant, stéréo arrière), une richesse évidente, 22 paramètres (dont par exemple 16 enveloppes d'amplitude à appliquer aux premières réflexions, un contrôle indépendant des graves, des médiums et des aigus), etc. La GigaVerb n'échappe cependant pas à la redoutable loi du S-DISC, qui comme nous l'affirmions précédemment, veut que la consommation mémoire soit proportionnelle à la puissance de l'effet et au nombre de paramètres programmables.
Avec 191 blocs RAM et 225 blocs CPU, presque toute la place est prise… D'où la raison d'être des BigVerb et MFX Reverb, respectivement deux et quatre fois moins gourmandes que leur aînée. Nous ne nous attarderons pas sur les autres effets, à savoir les correcteurs (égalisation graphique 6, 10 et 15 bandes, filre passe-haut, passe-bas, égalisation paramétrique 1, 3 et 5 bandes), délais, harmoniseurs, arpégiateurs chorus et flangers (certains d'entre eux sont équipés de quatre sorties, comme le montre la figure 1), échantillonneurs (déclenchement manuel ou en fonction d'un signal audio d'un niveau supérieur à un seuil donné), trémolos, panoramiques automatiques, noise gates et réducteurs de bruit. Avec une fréquence d'échantillonnage de 48 kHz et 768 Ko de mémoire RAM, est-ce bien utile de préciser que la durée maximum, en mono, des délais et de l'échantillonnage avoisine les cinq secondes (5 X 48 000 X 24 bits = 5 760 000 bits = 720 000 octets) ?
Temps réel
Outre les habituels dumps, ou la table de réassignation des program changes, le TSR-24 autorise le pilotage en temps réel d'au plus quatre paramètres par programme, via des control changes ou des messages d'aftertouch par canal (aaah… agir à la molette sur une queue de réverb !). Sans vouloir jouer les trouble-fête, nous aurions apprécié de pouvoir synchroniser un délai en fonction d'horloges MIDI… Pour en finir avec le MIDI, mentionnons la fonction « merge » (les données reçues à la prise in sont mélangées à celles émises par le TSR-24, puis dirigées vers la prise thru), ainsi que la possibilité, pour chaque program change reçu, d'en émettre quatre sur des canaux à définir (afin de sélectionner automatiquement les mémoires de différents appareils : astucieux, non ?). En dehors des petites DIN cinq broches, une prise « footswitch » se destine au raccordement d'un pédalier DigiTech FS-300, qui vous permettra, via trois commandes au pied, de contrôler des paramètres ou de passer d'un programme à l'autre en fonction d'une séquence prédéfinie. Cette prise « footswitch » à défaut de FS-300, accepte aussi les vulgaires pédales.
Le signal mono collecté à l’entrée gauche traverse un chorus mono, avant de se diriger vers la sortie auxiliaire gauche, exploitée en tant que départ effet. Cette dernière alimentera un quelconque processeur externe (préampli, compresseur, distorsion…), dont on raccordera la sortie à l’entrée droite du TSR-24. Le signal transitera alors via un délai mono, puis une réverbération stéréo. Parallèlement, on notera que les « mixers » sont ici utilisés pour effectuer une balance entre signaux traités et non traités.
Ergonomie
Il est loin le temps des façades lisses et spartiates, où l'accès à la page d'édition désirée nécessitait de presser 114 fois de suite la touche d'incrémentation. Halte à l'ascétisme nippon privilégiant le spiritualisme au matérialisme (d'autant, dans le cas qui nous préoccupe, qu'il ne saurait être question de remettre en cause l'une ou l'autre de ces deux philosophies antinomiques), et vive les touches d'accès caoutchouteuses, bien nombreuses et bien franches, sur lesquelles est inscrit en clair le nom de la fonction correspondante. Sans doute est-ce moins zen, mais tellement plus pratique…
Pour parfaire le tout, quatre touches « jump » permettent, par programme, d'accéder aux paramètres les plus fréquemment sollicités. Par ailleurs, une molette sans fin vous donnera l'indicible joie de vous déplacer rapidement dans un menu ou de chercher des paramètres extrêmes sans somnoler pour autant devant l'écran LCD. Côté audio, sur votre droite se situent quatre potentiomètres de niveau : un par canal d'entrée, un par sortie stéréo. Ces derniers, tout comme les touches de fonctions et l'écran LCD , auraient gagné en confort d'utilisation si DigiTech avait adopté un format de deux unités. En dépit d'une qualité fort honorable, notons, pour chipoter, que le passage d'un programme à l'autre ne s'effectue pas avec une promptitude exempte de tout reproche (un petit bruit désagréable pouvant même apparaître à l'occasion).
Polyvalence
Le TSR-24 se distingue d'autres produits du même acabit par sa polyvalence. L'agencement « sur mesure » des effets et les multiples configurations d'entrée/sortie (du traitement stéréo indépendant de deux sources mono à la quadriphonique), font de lui un outil ne craignant pas de s'adapter à des situations diverses et variées. Pour acquérir cette « incarnation du futur en matière de processeur d'effets » (ce sont là les termes du mode d'emploi…), vous devrez débourser 1 157 € TTC. Pour 380 € de plus, vous emporterez une carte d'extension, la PPC-200, qui rajoute un second processeur S-DISC, double les mémoires et apporte son lot de nouveaux algorithmes : compression, extension, Surround, etc. Enfin, ceux qui, charmés par le TSR-24, n'ont cure de la programmation, n'auront qu'à se rabattre sur la version « light » de l'engin, le TSR-12.
CARACTÉRISTIQUES
Produit : TSR-24
Marque : DigiTech
Type : multi-effet numérique programmable
Type d'effets : réverbérations, délais, chorus, harmoniseurs…
Nombre de programmes : 128 RAM + 105 ROM
Nombre d'algorithmes : 32 RAM + 20 ROM
Fréquence d'échantillonnage : 48 kHz
Conversion A/D : 18 bits, suréchantillonnage x 128
Conversion D/A: 18 bits
Traitement des données : 24 bits
Réponse en fréquence : 20 Hz - 20 kHz ± 0,5 dB
Rapport signal/bruit : 90 dB
Distorsion harmonique : < 0.03 % (1 kHz)
Connexions : deux entrées symétriques à + 4 dB (jack 6.35), quatre sorties symétriques à + 4 dB (jack 6.35), prise footswitch
MIDI : in, out, thru
Format : rack 1U
Dimensions : 482 x 44 x 229 mm
Poids : 3,48 kg
In : l'architecture ouverte (programmation des algorithmes, présence de deux entrées et de quatre sorties), le pilotage MIDI en temps réel, la qualité des effets.
Out : la lenteur constatée lors du passage d'un programme à un autre, l'étroitesse du format (nous aurions préféré deux unités),l'absence de certains effets pourtant relativement répandus (saturations, simulateur Leslie…).
Test réalisé par Christian Braut en mai 1994 (Keyboards Magazine n°77)