Depuis quelque temps, il semblerait que le concept d’orchestration automatique suscite un intérêt croissant auprès du public. Après Feeling Partner ou le E70 Roland, c’es tau tour du PSR-6700, haut de gamme de chez Yamaha en matière d’arrangeur, d’être décortiqué.
Pour vous donner une idée générale des possibilités du PSR-6700, sachez que celui-ci réunit dans une seule et même machine des sonorités éditables, une boîte à rythmes, des arrangements inter-actifs préprogrammés et programmables, un séquenceur, un processeur d’effets numériques, une table de mixage et bien d’autres surprises encore. En guise d’introduction, nous commencerons par en examiner l’aspect extérieur…
Vue d’ensemble
Sensible à la vélocité, le clavier (qu’il est même possible de rendre non dynamique), couvre une étendue d’un peu plus de six octaves. Soixante-seize notes pour être exact. L’amplification intégrée, d’une puissance de 2 x 10 Watts alimente deux enceintes à deux voies (HP de 16 et 5 cm), automatiquement déconnectées lorsqu’un casque est branché. La face arrière comporte une sortie stéréo (ou mono, les signaux gauche et droit étant « sommés » et acheminés à la sortie gauche en l’absence de prise raccordée à la sortie droite), une entrée stéréo destinée à faire transiter un signal externe au niveau ligne par l’instrument, trois prises MIDI, ainsi que trois connecteurs pour pédales (expression, sustain, footswitch multifonctions programmable). Compatible au format « DOC » (Yamaha Disk Orchestra Collection), le lecteur de disquette 3.5 2DD prend place latéralement, sur le côté droit de l’instrument. Fort convaincantes, les démos réalisées par Yamaha sont au nombre de sept : deux en ROM et cinq sur disquettes.
Principes de base
Le PSR-6700 est polyphonique 40 notes et multitimbral 10 voies (et même plus en MIDI !). Contrairement à un synthétiseur traditionnel, chacune de ces voies de multitimbralité joue un rôle bien spécifique. Deux d’entre elles sont réservées à l’orchestration (terme relativement ambigu désignant les sons accessibles au musicien à partir du clavier), tandis que les huit autres concernent l’arrangement, comprenant une section rythmique (instruments de batterie et percussions), une ligne de basse, ainsi qu’un maximum de six parties harmoniques (accords, mélodies…). Les trois modes d’orchestration disponibles (orch. 1, orch. 2 + 1 et orch. 2 « »1) permettent respectivement de sélectionner un son sur l’intégralité du clavier, d’en empiler deux, ou de les répartir géographiquement de part et d’autre d’un point de split (F#2 par défaut). Il est également prévu de pouvoir accéder à un kit de batterie constitué de 74 éléments (dont quelques bruitages), représentés graphiquement par des symboles placés juste au-dessus des touches du clavier. Qui plus est, huit pads sensibles à la vélocité sont destinés à déclencher huit de ces éléments, dont les assignations se stockent à l’intérieur de l’une des trois mémoires de
« mapping ».
Effets et mixages
Deux processeurs d’effets numériques non programmables sont intégrés. Le premier inclut vingt-cinq effets (réverbs, délais, délais synchronisés au tempo, distorsion, élargissement stéréo), contre huit pour le second (tremolo, chorus, flanger, symphony). Ces effets sont affectables indépendamment et avec une certaine profondeur à la rythmique (uniquement pour le premier), au reste de l’accompagnement ou à l’orchestration. Il ne pousse pas des boutons que chez qui vous savez, puisqu’ici, une table de mixage à sept faders dont un général autorise le réglage du volume des différentes voies de multitimbralité : orchestration 1 et 2, rythmique 1 et 2, basse, chord 1 et 2. Nous verrons par la suite que certaines des six parties harmoniques d’arrangement sont liées au volume chord 1, et les autres au volume chord 2. Mais n’anticipons pas, et étudions tout d’abord la technologie employée par Yamaha pour générer les sons, qui dans sa structure, n’est pas sans rappeler celle des derniers synthétiseurs de la marque…
La palette sonore
Le PSR-6700 possède un total de 200 sonorités, dont une moitié en ROM (voices), et l’autre en RAM (custom voices). En sortie d’usine, les sons en RAM sont identiques aux sons en ROM. Pour une question de facilité, l’utilisateur est dispensé d’effectuer lui-même la sauvegarde d’un son en cours d’édition, dont les modifications sont stockées au fur et à mure à l’emplacement mémoire correspondant. Chaque son est constitué de deux ou de quatre éléments (A et B dans le premier cas, A, B, C et D dans le second). Il semblerait a priori que les composants A et C d’un son à quatre éléments soient systématiquement panoramiqués droite/gauche. Les éléments A et C sont à choisir parmi 104 formes d’ondes échantillonnées et multi-échantillonnées, tandis que les éléments B et D piochent l’une des 256 formes d’ondes F.M.
Malgré une majorité d’échantillons d’une qualité plus qu’acceptable, certains d’entre eux souffrent d’imperfections inhérentes au sampling (boucles sur les pizzicato, sur la guitare cocotte ou sur les timpani, changement brutal de timbre entre l’attaque et le sustain du vibraphone et du xylophone, bruit de fond sur les deux premières basses synthétiques, etc.). Une fois les différents éléments d’un son empilés, les enveloppes correctement programmées et les effets rajoutés, ces légers défauts sont, comme d’habitude, noyés dans la masse.
L’édition
L’édition est de type simplifié, ce qui se traduit par un nombre restreint de paramètres. Certains affectent l’ensemble des éléments, tandis que d’autres n’influent que sur l’un d’entre eux. Les paramètres communs à tous les éléments contrôlent la plage de pitch bend (0, +/- 1 octave), le tempérament du clavier (courbe linéaire, P1 ou P2, plus proche de l’accordage d’un piano), la profondeur et la vitesse de la modulation, ainsi que la possibilité d’agir en plus ou en moins (+/- 50) sur la valeur initiale de chacun des quatre segments des enveloppes ADSR. Les paramètres spécifiques à un élément regroupent le choix de la forme d’onde, son volume, son désaccord, de même que son type d’enveloppe, à choisir entre celle d’origine ou l’un des onze presets proposés (piano 1/2, organ, strings 1/2, guitar, percs, pluck 1/2, brass 1/2). A propos d’enveloppes, la touche sustain, sans aucun rapport avec l’édition, prolonge la durée des notes jouées au clavier. Avouez qu’il est relativement rare qu’un arrangeur autorise l’édition des sons, même si elle ne s’effectue qu’en incrémentant et en décrémentant les valeurs par pas d’une unité (pourquoi ne pas y avoir rajouté un potentiomètre date entry ?).
Fonctions avancées
Chacun des quatre motifs de base (couplets 1/2, refrains 1/2) est associé d’une variation solo, sélectionnable manuellement. La particularité des motifs solo (qui, comme leur nom l’indique, « solotent » à votre place), est de posséder leurs propres grilles harmoniques, différentes pour chaque style (et décrites dans le manuel), dont la tonalité est fonction de la fondamentale de l’accord « main gauche » analysé. L’instrument solo en moins, ce principe de grille harmonique s’applique de manière similaire aux motifs d’introduction et de finals. Non content de vous accompagner, le PSR-6700 est doué de fonctions interactives élaborées. Ainsi, le volume des parties d’accompagnement interférant avec votre interprétation est susceptible d’être automatique atténué. D’autre part, les enchaînements de motifs pourront suivre la progression du jeu (densité et vélocité des notes), ce qui signifie qu’un passage plutôt sobre sollicitant le couplet 1 ou le refrain 1 basculera automatiquement sur le couplet 2 ou le refrain 2 dès l’instant où vous vous affolerez un peu (et réciproquement). Mieux encore, après quelques secondes « d’arrêt de jeu », le PSR-6700 est capable de prendre le relais pour passer en mode solo (enchaînant cycliquement les solos couplet 1, couplet 2, refrain 1, refrain 2), et ceci jusqu’à la reprise de l’interprétation.
La sensibilité de l’accompagnement interactif est paramétrable en fonction de l’exécution de la main gauche et/ou droite. En mode harmony, les notes interprétées à droite du point de split sont doublées, triplées ou quadruplées par d’autres notes dont la hauteur est fonction des accords « main gauche » analysés et du modèle d’harmonisation choisi. Un jeu monophonique est alors conseillé. Il existe quinze modèles d’harmonisation répartis en quatre familles (basic, pop, jazz, classic), certains d’entre eux allant même jusqu’à sélectionner les voies d’orchestration (cordes ou orgue pour les deux modèles classic, vibraphone ou saxophone pour deux des modèles jazz, etc.). Le seizième modèle est un cas d’exception, car l’harmonisation qu’il crée, différente pour les couplets et les refrains, provient du style d’accompagnement utilisé. Il sélectionne également les voies d’orchestration.
Créer ses arrangements
Yamaha propose à ceux qui reprocheraient à ce type d’appareil la lassitude due à une utilisation prolongée, d’élaborer eux-mêmes leurs propres accompagnements (jusqu’à six styles), en enregistrant pour chaque motif de base les huit parties de l’arrangement, exactement comme sur un séquenceur. Il est possible de partir de zéro, de conserver certaines parties d’un style existant, d’enrichir ou de modifier la rythmique, etc. Les enregistrements s’effectuent en boucle, dans la tonalité de Do majeur, pour permettre ensuite au PSR-7600 de les harmoniser en fonction des accords analysés.
Outre le réglage des volumes des huit parties et l’affectation de chacune des six parties harmoniques à l’un des deux faders de la table de mixage (chord 1 ou chord 2), citons des fonctions d’édition telles que la quantification, la copie et l’effacement de mesures, la suppression d’évènements (volume, pitch bend et modulation et sustain). Précisons par ailleurs que les volumes s’enregistrent simultanément aux messages de note, en déplaçant les faders.
Séquenceur
Le PSR-6700 possède même un séquenceur huit pistes, l’une d’entre elles étant réservée à l’enregistrement de l’arrangement (indépendamment ou simultanément à l’orchestration). Qui plus est, quasiment toutes les fonctions étudiées jusqu’à présent s’enregistrent en temps réel (passage d’un motif à un autre, changement de voie, tempo, profondeur de la réverb, et ainsi de suite).
Un outil d’une puissance surprenante ! En dehors de fonctions d’édition modestes, insistons tout de même sur les trois modes d’enregistrement (replace, overdub et punch), ainsi sur le mixage de deux pistes en une seule. L’espace commençant à nous manquer, nous terminerons par les registrations et les accès disques, avant de passer au MIDI. Vu la pléthore de paramètres dont dispose le PSR-6700, il n’est pas inutile de pouvoir sauvegarder et rappeler instantanément telle ou telle configuration. C’est exactement le but des deux types de registration (dix mémoires « voice registration », seize mémoires « panne 1 registration »), la première s’adressant aux voies de l’orchestration et aux réglages associés, la seconde à tout ce qui touche l’accompagnement. Enfin, le lecteur de disquette sauvegarde l’ensemble des données de l’instrument en un seul fichier, bien qu’il soit capable d’en recharger les différents « modules » individuellement (voies en RAM, séquences, registrations, accompagnements personnels…).
L’implémentation
Il existe deux modes MIDI : le mode « remote control » et le mode « PK standard voice ». En mode « remote control », il est possible de substituer un clavier externe au clavier du PSR-6700, et ceci qu’il s’agisse d’utiliser les voies d’orchestration ou de piloter l’arrangeur. En plus de cela, par dessus le jeu de cet arrangeur, huit nouvelles voies sont contrôlables via MIDI. A l’inverse, le clavier interne est capable de piloter des générateurs de son externes (avec une éventuelle transmission sur deux canaux, de part et d’autre du point de split, ainsi qu’un réglage du mode local), ce qui est également faisable depuis les pistes du séquenceur (exception faite de la piste d’accompagnement, qui ne divulgue pas si facilement ses secrets !). Le mode « PK standard voice » force le PSR-6700 en mode local-off, tout en inhibant séquenceur et arrangeur. Un mode grâce auquel l’instrument se transforme en un expandeur multitimbral 16 voies, malgré qu’un fait étrange subsiste : les messages de program changes reçus sélectionnent les voies dans un ordre différent de l’original. Ce mystérieux mapping PK serait-il l’équivalent Yamaha du format GS Roland ? Toujours au niveau du MIDI, reste à énumérer les divers commutateurs on/off (modulation, footswitch, panoramique, sustain, program change, pitch bend, SysEx), la synchronisation sur une horloge externe (les messages en temps réel sont également émis). La prise en compte du fameux bank select (commutation RAM/ROM), etc.
Conclusion, si comme le dit le manuel, vous désirez devenir le fier propriétaire d’un clavier électronique extraordinaire, il vous faudra débourser 2 880 € (prix généralement constaté au 1/9/91). Quoi qu’il en soit, le PSR-6700 s’avère être un arrangeur extrêmement flexible et puissant, dont l’utilisation, malgré le nombre de possibilités et la qualité inégale (et non pas inégalée) du mode d’emploi, reste d’une relative simplicité.
Variations autour d’un thème
Au nombre de trente-six (rock, dance, ballade, swing, bossa…), plus huit sur disquette, les styles du PSR-6700 offrent un accompagnement complet constitué, comme nous l’avons vu précédemment, d’une rythmique, d’une ligne de basse et d’un maximum de six parties harmoniques. Certains de ces accompagnements, dont le tempo d’origine est modifiable, utilisent des mesures à 3/4, d’autres des mesures à 4/4. Chaque style comporte quatre variations de base d’au plus huit mesures, matérialisées par deux couplets (verse 1/2) et deux refrains (chorus 1/2), auxquelles viennent s’ajouter trois introductions (intro 1/2/3), trois finals (ending 1/2/3), de même qu’un bon nombre de breaks. L’accompagnement se lance en appuyant sur la touche start ou en jouant n’importe quelle note située à gauche du point de split à condition d’avoir préalablement validé la fonction de démarrage synchronisé. Il est possible d’attaquer par le motif d’introduction 1, 2 ou 3, suivi par défaut du premier couplet, du second couplet ou du premier refrain. En cours de jeu, le passage d’un motif de base à l’autre s’opère en appuyant sur la touche correspondante.
D’autre part, les breaks se déclenchent manuellement pour entrer immédiatement en action jusqu’à la fin de la mesure courante. Selon la méthode utilisée, ils seront suivis par défaut du motif de base les précédant, ou d’un motif différent (enchaînement automatique du refrain 1 ou 2 au break succédant au couplet 1 ou 2, et réciproquement). Les breaks diffèrent suivant les motifs qui les encadrent, ce qui signifie qu’il en existe huit par style. Quant à la touche ending, elle exécute l’un des trois motifs finals (en fonction du motif précédent : couplet 1/2, refrain 1, refrain 2), avec option de ralentissement progressif du tempo (ritardando). La fonction « pad synchro break » coupe la mesure rythmique en cours dès l’instant où un appui sur les pads est détecté, ce qui autorise l’exécution de breaks personnels.
Analyse harmonique
Si la touche auto bass chord n’a pas été enclenchée avant de lancer l’accompagnement, le PSR-6700 en est réduit à l’état de simple boîte à rythmes. Dans le cas contraire, en mode fingered chord, les accords joués à gauche du point de split sont analysés en vue de piloter harmoniquement et en temps réel la ligne de basse et les autres parties d’arrangement. Les types d’accords reconnus sont au nombre de vingt-trois, du simple accord majeur aux accords de sixte, septième, neuvième, etc. La plupart d’entre eux sont correctement interprétés dans leurs différents renversements, certains ne nécessitant même pas que la quinte soit jouée. Moins évolué, le mode single fingered autorise le contrôle de l’harmonie à l’aide d’un seul doigt (accords majeurs), de deux doigts (accords mineurs et septième) ou de trois doigts (accords mineurs septième). Enfin, le mode manual bass transforme la partie située à gauche du point de split en une zone monophonique ne pilotant pas l’harmonie, et dont il faudra régler la sonorité.
Ces trois méthodes de contrôle d’un arrangement rendent inopérationnels les sons de l’orchestration joués à gauche du point de split en mode orch. 1 et orch. 2+1, ce qui n’est pas le cas en mode orch. 2« »1 (sauf en single fingered). Compris ? Lorsque les sonorités de l’orchestration sont audibles sur cette partie gauche du clavier (mode orch. 2« »1 en fingered chord et manuel bass, vous l’auriez deviné), la fonction hold maintient l’accord en cours jusqu’à exécution du suivant.
Test réalisé en mars 1995 par Ludovic Gombert (Keyboards magazine n°97)