Voici un an, Akai lançait le DR8 : un Direct to Disk équipé d’un mixeur numérique seize canaux, dont huit pour les pistes internes de l’appareil et huit pour les signaux externes s’y raccordant. Copie quasi-conforme de son aîné, le DR16 substitue à ces signaux externes huit pistes supplémentaires, soit un total de seize si nos calculs sont bons !
Différencier DR8 et DR16 au premier coup d’oeil n’est pas évident et pour cause : outre une recrudescence de prises en face arrière, de légers changements dans la sérigraphie en face avant et quelques circuits de plus à l’intérieur, ces deux DtD sont de vrais jumeaux. Tout ou presque vous ayant déjà été dévoilé dans ces colonnes lors du banc d’essai du DR8, nous ne reviendront pas en détail sur les fonctionnalités du produit.
A première vue
En résumé, le DR16 Akai est un Direct to Disk seize pistes muni d’une console numérique. Malgré une ergonomie façon magnétophone, l’appareil est cependant de type « non destructif » (une opération de copie, par exemple, ne dupliquera pas physiquement sur le disque la portion copiée).
A l’image de la plupart des multipistes numériques, avec ou sans bandes, les DR16 et DR8 peuvent être chaînés. La limite est de 8 machines (128 pistes maximum), le panachage DR8/DR16 au sein d’une même configuration étant admis. En pratique, rien n’est plus simple que de « cascader » deux unités, que l’on reliera pour ce faire par un vulgaire câble. Précision de la synchronisation : le quart d’échantillon.
Si cet aspect évolutif permet d’évoluer selon ses besoins, la modularité du DR16 tient avant tout au nombre impressionnant d’extensions disponibles qui, ceci dit en passant, sont les mêmes que celles du DR8…
A la carte
Commençons par la « surface de contrôle » huit voies : baptisée MT8, elle offre un accès tactile aux paramètres du mixeur. En investissant dans deux DMT8, vous aurez la possibilité de gérer simultanément les huit pistes et les huit signaux externes d’un DR8, ou les seize pistes d’un DR16, sans devoir constamment basculer entre les canaux 1-8 et 9-16. Autre option, l’achat d’une DL16, annoncée pour sortir en avril. Celle-ci fait office de télécommande (duplication de la face avant du DR, molette jog/shuttle et écran compris), mais aussi de « surface de contrôle » seize canaux (une double MT8, donc).
Vient ensuite toute une panoplie de cartes qui, au nombre de six, s’encastrent dans les cinq slots que comportent les DR8/DR16. Vous pourrez par exemple acquérir un second port SCSI à double connecteur, du nom d’IB-801S (le premier port, monté d’origine, se chargeant d’accueillir des mémoires de masse externe), pour relier votre Direct to Disk à un Mac ou à un PC et faire ainsi communiquer les DR avec des logiciels de gestion, d’édition des formes d’ondes, de télécommande, etc.
Toutefois, en la matière, rien ne semble encore développé, si ce n’est évidemment MESA (logiciel Akai « tournant » sur Macintosh, dédié aux échantillonneurs et DtD de la marque), pour lequel un driver DR8/DR16 ne saurait tarder…
Les adeptes de la synchronisation se rabattront quant à eux sur les cartes IB-802T (lecture/génération de code SMPTE), IB-803M (génération de code MTC, émission/réception de commandes de transport sous forme MMC, génération de messages d’horloges et de SPP en liaison avec la programmation d’une carte de tempos/signatures, prise en compte des control changes pour automation des paramètres du mixeur interne), IB-806D (lecture/génération de code biphase, utilisé en cinéma pour synchroniser les défileurs) et IB-805R (port RS-422 au protocole Sony 9 pin, également connu sous le nom de P2 et exploité par les magnétophones professionnels et autres bancs de montage, autorisant l’émission/réception de commandes de transport et le transport de code SMPTE).
Reste à citer l’IB-804A qui, avec ses huit entrées/sorties au format ADAT, sert à des opérations de transfert, de backup (sauvegarde et chargement quatre fois plus rapide qu’avec une platine DAT), et même de mixage (des huit pistes internes d’un DR8 et des huit pistes d’un ADAT par exemple). Bien qu’on ne puisse actuellement greffer qu’une seule IB-804A sur un DR8/DR16, Akai évoque la possibilité d’en insérer deux.
Egalement sur la table des bureaux d’étude : un équivalent de l’IB-804A au format TDIF (DA-88 et compatibles). Côté tarifs - nous vous dévoilerons celui du DR16 plus en avant dans cet article, mais seulement si vous êtes sages - les L16, MT8, IB-801S, IB-802T, IB-803M, IB-804A, IB-805R et IB-806D reviennent respectivement à 2134 €, 610 €, 274 €, 412 €, 274 €, 259 €, 412 €, et 412 € TTC.
Dernière précision : le fait, dans le cadre d’une configuration à plusieurs DR, qu’il suffise d’équiper le DR8/DR16 maître des cartes désirées…
Pour que la fête soit complète, il nous faut évoquer l’interface qu’Akai compte commercialiser dans le courant de l’été, et qui permettra de relier aux DR8/DR16 un écran VGA ainsi qu’un clavier. De quoi conférer à ces deux produits plus de convivialité, tout en leur donnant un petit air de DD1500.
N’allez pas croire pour autant que le DR16 puisse rivaliser avec ce dernier, les deux machines ne bénéficiant ni de la même approche, ni des mêmes fonctionnalités, même si leur compatibilité amènera très certainement certains studios de postproduction à équiper un auditorium principal en DD1500 et des cabines « satellites » en DR16 (exploitées en tant que machines de recopie/transfert, voire de diffusion dans le cadre d’applications broadcast)…
A la bonne heure
Nous insistions lourdement sur ce point en testant le DR8, les cartes de synchronisation sont riches de possibilités. Jugez plutôt : non contents d’être capables de jouer le rôle de maîtres ou d’esclaves en SMPTE et biphase, mais aussi de maîtres en MTC et MIDI + SPP, les DR8/DR16 savent traduire une référence temporelle d’un format à l’autre.
En pratique, on sélectionnera la référence reçue par l’une des cartes en tant qu’horloge maître, non seulement pour y asservir les DR8/DR16, mais aussi pour acheminer cette horloge à une autre carte, afin d’asservir un appareil externe. Ou comment transformer du SMPTE en MIDI, du biphase en SMPTE, etc. Il en va de même des commandes de transport, avec une conversion possible des messages MMC en leur équivalent Sony P2.
Pour nous prouver l’efficacité du concept, Akai France, devant nos yeux émerveillés, a mené l’expérience suivante. Après avoir équipé un DR16 d’une carte MIDI, d’une carte RS-422 et d’une carte SMPTE, nos amis ont raccordé la sortie d’une télécommande JLCooper CuePoint à l’entrée de la carte MIDI, la sortie de la carte RS-422 à l’entrée d’un magnétoscope, la sortie SMPTE de ce magnétoscope à l’entrée de la carte du même nom, et la sortie de la carte MIDI à l’entrée d’un séquenceur.
A partir de là, le fait d’appuyer sur les touches de transport de la JLCOOper (Play, Stop, Rwind…) envoyait les commandes correspondantes au DR16 (en MMC), de même qu’au magnétoscope (MMC traduit en Sony 9 pin par le DR16). Ainsi, d’enclencher la touche Play de la télécommande JLCooper intimait au DR16 et au magnétoscope l’ordre de passer en lecture, le magnétoscope transmettant son code SMPTE au DR16 de façon à ce qu’il s’y synchronise et le convertisse en MTC à destination du séquenceur (ce code émis par le magnétoscope aurait tout aussi bien pu transiter par le RS-422, qui le véhicule également). Bref, voici là un bon moyen, pour qui travaille à l’image, de contribuer à la faillite des constructeurs de synchroniseurs…
Extrême raffinement : l’épreuve de la lecture arrière (commande MMC Play Reverse émise par la télécommande JL Cooper) a été passée avec succès par le DR16 et le magnétoscope. Inutile de dire qu’un séquenceur, encore que sa « tête de lecture » puisse éventuellement suivre le mouvement, se voit bien entendu incapable d’émettre des messages MIDI « à l’envers » !
A la masse
Epaulé par une mémoire tampon de 8 Mo, le DR16 peut enregistrer huit pistes simultanément, mais aussi et surtout, en lire seize. Plutôt rare, dans cette gamme de prix ! L’appareil est livré nu ou avec un disque dur interne 2.5 Go (le « must » en la matière, pour pouvoir faire face aux débits requis) : de quoi caser environ neuf heures d’enregistrement linéaire en 16 bits/44.1 kHz, soit un peu plus d’une demi-heure par piste.
Rien n’empêche de connecter des disques durs externes au DR16, à condition donc, pour bénéficier des seize pistes, de choisir des modèles suffisamment rapides, c’est-à-dire de type AV (Audio Video). Si tel n’était pas le cas, certaines pistes ne seraient point prises en compte… A ce propos, sachez que chacune d’elles est flanquée d’un voyant qui s’allume pour signaler la présence d’un signal audio, et qui clignote dès l’instant où ce signal ne peut être lu.
En admettant que seize pistes soient enregistrées, mais que les quatre dernières se refusent à jouer pour cause de disque dur trop lent, alors que vous auriez souhaité tant qu’à subir cette privation, que ce soient les quatre premières, moins importantes à vos yeux, qui demeurent silencieuses, il vous suffirait de les « muter ». Avant cela, lancez tout de même une défragmentation du disque dur, on ne sait jamais… Dans certains cas, cela réussira à vous faire gagner des pistes en lecture. Autre moyen d’en récupérer : rajouter au DR16 une barrette de 8 Mo supplémentaires (EXM 1508, 640€ TTC).
Certes, au prix de l’extension, ne serait-il pas plus raisonnable d’investir dans un disque dur A/V, rétorquerez-vous, avec ce bon sens qui vous caractérise ? Exact, et cette réflexion est tout à votre honneur. Néanmoins, notre barrette de 8 Mo représente l’unique moyen d’améliorer les performances des disques optiques (10/12 pistes sur des modèles 1.3 Go, et très certainement 16 sur les 2.6 Go, à sortir prochainement), dont l’intérêt, excepté leur caractère amovible, réside dans les possibilités d’échange entre DR8, DR16 et DD1500.
Enfin, l’impossibilité d’effectuer un « backup » par projet, ou en d’autres termes, l’obligation de devoir vider l’intégralité du disque dur, constituait l’une des principales critiques formulées à l’égard du DR8.
Avec la version 1.60, dont bénéficie également le DR16 (l’EPROM est commune aux deux), le problème est résolu ! Aussi bien les DAT (via les prises AES/EBU ou S/PDIF) que les ADAT (via l’IB-804A) pourront enfin recevoir des projets isolés… Pendant que nous y sommes, et sans vouloir vous soûler de détails, mentionnons tout de même quelques améliorations apportées au fil des updates du DR8, et dont profite par voie de conséquence, le DR16, comme les utiles fonctions Cleanup et Minimize (effacement des Takes et portions de Takes inutilisées par des projets), le transfert de pistes d’un projet à l’autre (pour, par exemple, se constituer l’équivalent d’une bobine « slave » - à ne pas confondre avec les bobines scandinaves -, c'est-à-dire un mix sur deux pistes, en libérant quatorze pour enregistrer), l'extension de la notion de Takes aux portions éditées (que l'on pourra ainsi copier pour en faire des versions différentes...), etc. Fin de l'aparté !
A la console
Toutes nos excuses pour ne pas développer plus en avant certains points, comme le transport (dont un excellent jog/shuttle), les procédures d'enregistrement, de punch-in/out ou l'édition, mais une fois encore, tout ceci fut clamé haut et fort dans le banc d'essai du DR8. Peut-être devrions-nous toutefois nous pencher plus en avant sur le mixeur qui, pour chacune de ses seize tranches, offre des réglages de niveau, de panoramique et deux départs auxiliaires.
Il comporte aussi un réglage global stéréo et dispose bien entendu d'un « recall » (99 mémoires) et d'une automation via MIDI. Il ne manque que des égaliseurs pour que cette mini console numérique soit complète : un vide que l'arrivée prévue pour mars prochain des cartes EQ8 et EQ16 (huit et seize paramétriques quatre bandes, aux prix de 608 et 1 098 € TTC), viendra combler.
La console qu'incorporent les DR8 et DR16 étant numérique, on bondira d'allégresse en apprenant qu'il est possible de procéder à des « trackings » sans repasser en analogique, ceci en acheminant vers la/les pistes à enregistrer les canaux droit et/ou gauche d'un bus interne baptisé L/R, lui-même alimenté par celles des voix de la console que l'on aura décidé d'y envoyer. Autre application de ce bus : l'enregistrement d'un mélange stéréo de signaux externes...
A ce sujet, quoique cette application soit marginale, rien n’interdit, par exemple, de mixer les quatorze premières pistes du Direct to Disk avec deux signaux externes reçus aux entrées 7 et 8 - admettons qu’il s’agisse d'un synthétiseur piloté depuis séquenceur asservi au DR16 -. et raccordés aux pistes 15 et 16 positionnées en Input Monitoring (touche Record Ready). Dans le cadre de notre grande fresque « mille et un trucs pour régresser », et en poussant ce principe à l’extrême (8 pistes, 8 signaux externes), on transformerait ainsi le DR16 en DR8 !
A l'avant, à l'arrière
En face arrière, par rapport au DR8, quatre sorties séparées analogique ont été ajoutées, ce qui porte leur total à seize (avec commutation -10/+4 dB par paire). Pourquoi diable trouvait-on douze, et non huit sorties sur l’ancêtre du DR16 ? Car deux d'entre elles véhiculaient le signal stéréo collecté en sortie du mixeur, et les deux autres, les bus auxiliaires alimentés par les départs effets.
Pour ne pas faire de jaloux, Akai a prévu sur le DR16 une commutation logicielle permettant, pour les sorties 13 à 16, de choisir entre les signaux issus des pistes de même numéro, ou les sorties auxiliaires et stéréo (cette dernière reste directement accessible en numérique, aux formats AES/EBU ou S/PDIF). Une commutation similaire existe pour les bargraphes qui, ici aussi, sont au nombre de seize sur le DR16, contre quatorze sur le DR8. Celle-ci permet d'alimenter les bargraphes 11 à 16, soit avec les signaux issus des pistes de même numéro, soit avec les sorties auxiliaires, stéréo et bus L/R.
Pour leur part, les entrées analogiques n'ont absolument pas bougé : elles sont toujours au nombre de huit, affectables aux pistes de son choix (avec commutation -36/-16/+4 dB par paire, et réglage de gain individuel en face avant, de -10 à 22 dB). Le numérique est lui aussi logé à la même enseigne, avec une entrée en AES/EBU et S/PDIF, les canaux étant là encore affectables aux pistes de son choix.
A la réflexion
Compte tenu du nombre de cartes et extensions dont il dispose, le DR16 est suffisamment modulaire pour s'adapter à presque toutes les situations : enregistrement en home studio, studio, postproduction, diffusion, etc. Quant à son prix (6 250 € TTC avec le disque dur, 5 030 € sans), comparativement à celui de deux Direct to Disk ou magnétophones numériques à bandes huit pistes, il fait de lui un challenger des plus sérieux.
Par contre - nous vous avions déjà mis en garde avec le DR8 -, n'omettez pas, en effectuant vos calculs, d'ajouter le prix des extensions dont vous aurez besoin. Quant aux petits malins qui guetteraient une baisse du DR8, c'est peine perdue. Akai France avait anticipé, en lui faisant subir une baisse sensible en octobre dernier (3 720 € TTC au lieu de 4 558 €, disque dur non com pris). Rien de nouveau sous le soleil des tarifs, donc, sauf peut-être, comme à l'accoutumé, sous celui qui éclaire le marché de l'occasion...
Marque : Akai |
Les plus : les seize pistes sur un seul et même disque dur, le mixeur seize voies intégré, le nombre d'options.
Les moins : l'impossibilité d'updater un DR8 en DR16 (la différence de connectique ne facilitant certes pas les choses).
Test réalisé par Christian Braut en février 1996 (Keyboards Magazine n°96)