La Synthèse FM

Le raz-de-marée de la synthèse F.M. remonte à 1983, avec l'arrivée du DX7. Un succès sans précédent, dû au réalisme et à la diversité des timbres d'une centaine de presets d'usine, face aux formes d'ondes analogiques de l'époque...

Depuis le départ, la synthèse F.M. effraie par son apparente complexité. Certes, aujourd'hui, l'utilisateur moyen croule sous les caisses de disques magnéto optiques 1,2 Giga bourrés à craquer de banques pour DX7. Mais rappelez-vous qu'avant cette époque de luxe et d'abondance, 90% des machines transitant par le SAV contenaient encore les presets d'origine ! Face à cette affligeante réalité, ces quelques lignes tentent d'expliquer brièvement le principe de la F.M, en espérant qu'elles stimuleront votre ardeur à manipuler avec dextérité le data entry.

Du vibrato...

Le concept de la synthèse F.M. est similaire à celui du vibrato, qui, par définition, inflige au son une variation de hauteur d'une certaine profondeur (depth) à une certaine vitesse (rate). Sur un synthétiseur, le vibrato est obtenu en envoyant vers l'oscillateur (VCO, DCO...) un signal de contrôle en provenance du LFO (Low Frequency Oscillator, pour oscillateur à basse fréquence). La fréquence et l'amplitude de ce LFO correspondent respectivement à la vitesse et à la profondeur de l'effet recherché. En résumé, la hauteur de l'oscillateur modulé varie en fonction de l'amplitude du LFO. Mais dans quelle mesure ?

Le degré de modulation, c'est à dire l'intervalle entre la fréquence originale de l'oscillateur et la fréquence maximum résultant de sa modulation, est proportionnelle à la profondeur du LFO (à l'amplitude avec laquelle il se dirige vers l'oscillateur). Par exemple, une forme d'onde sinusoïdale d'une fréquence de 50 Hz est soumise à un vibrato contrôlé par un LFO d'une fréquence de 10 Hz et de forme carrée. La profondeur du LFO est réglée de manière à agir sur un intervalle d'une octave en plus ou en moins (rappelons que pour élever une note d'une octave, il convient d'en multiplier la fréquence par deux).

Conclusion, cinq fois par seconde, la sinusoïde passe brutalement d'une fréquence de 100 Hz (pendant la demi-période d'amplitude positive du signal carré) à une fréquence de 25 Hz (pendant la demi-période d'amplitude négative du signal carré). En substituant un signal sinusoïdal au signal carré du LFO, ce changement de fréquence s'opère progressivement.

...A la modulation de fréquence

Bizarrement, à partir d'un certain stade, lorsque la fréquence du vibrato augmente, l'oreille ne perçoit plus une variation cyclique de hauteur de la forme d'onde générée par l'oscillateur, mais une modification de son timbre. De surcroît, des rapports entiers entre la fréquence de l'oscillateur et celle du LFO produisent un signal périodique (de hauteur fixe, décomposable en harmoniques), tandis que des rapports décimaux produisent un signal apériodique. Enfin, la richesse du timbre ainsi généré dépend du degré de profondeur de la modulation.

L'algorithme

Pour créer un son, la F.M. première génération (celle du DX7), utilise six oscillateurs sinusoïdaux nommés opérateurs. Chaque opérateur est capable de se comporter indifféremment en tant que modulateur (oscillateur modulant un ou plusieurs oscillateurs à la manière d'un LFO), ou en tant que porteur (oscillateur modulé par un ou plusieurs oscillateurs). Ce schéma de connexion entre opérateurs porte le terme d'algorithme. De plus, un opérateur modulateur peut parfaitement en moduler un second, lui même en modulant un troisième, lui même modulant un porteur. De la synthèse six opérateurs, Yamaha a dérivé un système à quatre opérateurs, sinusoïdaux au départ, pour inclure par la suite des formes d'ondes plus complexes.

Smooth operator

Chaque opérateur, qu'il joue le rôle de porteur ou de modulateur, est caractérisé par un volume de sortie et par une fréquence. S'il s'agit d'un modulateur, le volume de sortie correspondra au taux de modulation (fonctionnellement équivalent au paramètre depth de notre LFO), c'est-à-dire à la richesse du timbre. Par contre, s'il s'agit d'un porteur, le volume de sortie correspondra tout simplement au volume du son.

Bien entendu, en plus de ce réglage de volume, le niveau de chaque opérateur transite par une enveloppe d'amplitude à quatre segments qui permettra de faire évoluer dans le temps le contenu spectral avec une grande précision. Quant à la fréquence (hauteur pour l'opérateur porteur, vitesse de modulation pour l'opérateur modulateur, elle s'exprime en ratio (fréquence variable) ou en hertz (fréquence fixe quelle que soit la note jouée au clavier).

Le ratio n'est autre qu'un nombre par lequel la fréquence de la note jouée au clavier doit être multipliée pour aboutir à la fréquence réelle. Ainsi, un opérateur porteur d'un ratio de 2 sollicité par un La 3 (440 Hz) délivrera un signal de 880 Hz (440 x 2).

En pratique

Il est temps de vérifier par la pratique l'exactitude des règles élémentaires énoncées ci-dessus. Je vous invite donc à allumer votre synthétiseur F.M. six opérateurs, afin de vous livrer à quelques enrichissantes expériences.

Partons d'une configuration simple à deux opérateurs, en commençant par presser la touche init voice (sélection par défaut de l'algorithme 1, volume de l'opérateur 1 à 99, volume des opérateurs 2 à 6 à zéro). Réglons le porteur (l'opérateur 1) sur une fréquence fixe de 446,7 Hz, le modulateur (l'opérateur 2) sur une fréquence fixe de 1 Hz, avant de faire passer progressivement son volume de 0 à 99. Nous constatons que l'effet produit n'est autre qu'un vibrato, d'une vitesse égale à la fréquence du modulateur (agissant une fois par seconde), pour une profondeur (un changement de hauteur) proportionnelle à son volume.

Renouvelons cette expérience après avoir réglé le modulateur sur une fréquence fixe de 446.7 Hz. L'effet de vibrato disparait au profit d'une modification du timbre, dont l'ampleur (le nombre d'harmoniques ajoutées à la sinusoïde d'origine) croît en fonction du volume du modulateur. Notons au passage que le signal en question est bien périodique, c'est à dire de hauteur fixe.

Poursuivons l'exercice en modifiant la fréquence du modulateur de manière à ce que son rapport avec celle du porteur (division de la fréquence du porteur par celle du modulateur, ou réciproquement), fournisse un nombre entier (223,9 Hz, 891,3 Hz, etc.). Le signal est toujours périodique. Par contre, dans le cas contraire, nous nous retrouvons face à des formes d'ondes apériodiques.

Le spectre de la F.M.

Contrairement à la synthèse soustractive, la synthèse F.M. ne procède donc pas par filtrage d'un signal riche en harmoniques, mais par modulation d'une forme d'onde par une autre. C'est pourquoi, tout comme pour la synthèse additive, le filtre perd sa raison d'être. Avec seulement quatre ou six opérateurs, l'étendue des timbres susceptibles d'être générés par la synthèse F.M. est quasiment illimitée !

Cependant, le processus de création sonore demeure relativement empirique, puisqu'il est à priori impossible de déduire rapidement les rangs harmoniques produits en fonction de la fréquence d'un porteur et d'un modulateur, et de la profondeur de la modulation. Les plus courageux d'entre vous pourront se référer au livre de John Chowning et David Bristow, "F.M. théorie et applications" (édité par Yamaha), qui, à partir d'un minimum de notions mathématiques, permet de calculer avec précision le spectre harmonique d'un son F.M.

Dossier réalisé par Christian Braut en septembre 1991 (Keyboards Magazine HS4)

Pin It