Hormis de rares sociétés comme Bit, Crumar, Elka ou Siel, les italiens ne se sont jamais vraiment investis dans la synthèse. Toutefois, forts de leur expérience en matière d'orgues électroniques, ils intègrent peu à peu les technologies numériques pour produire des arrangeurs tels que le MS5 Solton.
Le MS5 n'est donc pas un véritable synthétiseur (les sons ne s'éditent pas), mais un instrument capable de générer automatiquement une orchestration. Commençons par en examiner l'aspect extérieur. Son clavier, qui s'étale sur cinq octaves (61 notes de C1 à C6), est sensible à la vélocité mais pas à l'aftertouch. D'une taille suffisamment grande (2 x 40 caractères), le LCD procure une vision confortable des opérations. Côté stockage, en plus des mémoires internes et à défaut de lecteur de disquettes, un slot à accès frontal, situé juste en dessous des molettes de pitch et de modulation permet de recevoir des cartes ROM ou RAM. On raccordera impérativement le ou les sorties jack de l'appareil (left/mono, right), à un système d'amplification externe, puisqu'il n'existe pas de haut-parleurs intégrés. Outre ces deux jacks, une prise casque, trois prises MIDI, mais aussi quatre prises pour pédales et interrupteurs sur lesquelles nous reviendrons, se partagent la face arrière.
Multisynthèse
Comme tout clavier d'arrangeur qui se respecte, celui du Solton se scinde en deux sections de part et d'autre d'un point de split à définir (C3 par défaut) : main droite pour exécuter ce que bon vous semble, main gauche pour piloter l'accompagnement. Transposition globale (±12 demi-tons) et microtonalités (chacune des notes de la gamme pouvant s’abaisser d'un quart de ton) sont au programme. La polyphonie totale est de trente-cinq notes, ou plus précisément de dix-neuf notes pour la main gauche et de seize notes pour la main droite. Appelés presets, les sons mélangent lecture d’échantillons, synthèses algorithmique et analogique (comprenez soustractive).
En plus d'agir sur l'amplitude, la vélo- cité influe sur la fréquence de coupure (et même parfois sur la résonance), de certaines sonorités synthétiques. La palette de presets disponibles (cent douze pour la section main droite, quatre-vingt dix-neuf pour la section main gauche), couvre les besoins courants : pianos acoustiques et électriques, orgues classiques et jazz, cordes, cuivres, basses, guitares, voix, accordéons, synthés, et ainsi de suite. Des sons corrects (une bonne mention pour la guitare folk ou les ensembles de cordes), dans l'ensemble, les boucles sont plutôt bien réalisées (excepté l'étrange aller/retour au médiator de la mandoline).
Jeux de mains
A droite du point de split, nous voici donc à la tête de cent douze presets, accessibles soit individuellement, soit par groupe de quatre. Dans ce second cas, ce sont les programmes (cent douze mémoires sont réservées à leur stockage), qui se chargent de les agencer. Avec ces programmes, la division main gauche/main droite demeure toutefois très théorique, puisque les quatre presets s'étaleront, si vous le désirez, sur l'intégralité du clavier, quel que soit le point de split.
Pour chacun de ces presets, on réglera le volume, la tessiture de jeu (limites inférieure et supérieure), le désaccord par demi-tons, la mise en hors/service des effets chorus et « rotor » (l'un des deux au choix, avec interrupteur fast/slow pour la vitesse de la modulation), etc. De quoi se concocter sur mesure splits et layers. En mode duet (le programme n'est actif qu'à droite du point de split), le premier des quatre presets est émis lorsqu'une touche est pressée, et le deuxième, lorsqu'une seconde touche est pressée alors que la première est maintenue enfoncée. En main- tenant à son tour cette seconde touche, les notes suivantes joueront normalement du ou des deux autres presets.
Le mode trio se comporte de manière identique, mais avec trois notes au lieu de deux. Reste quatre-vingt-dix-neufs presets destinés à la main gauche, pour un maximum quatre parties empilables : basse (monophonique, jouant la tonique de l’accord ou la note la plus grave), chord 1, 2 et 3.
Drum Kit
En appuyant sur le switch manual drum, on accède directement à partir du clavier à cinquante échantillons de batterie. Ceux-ci sont divisés en huit catégories : grosses caisses (au nombre de cinq), rimshots et caisses claires (au nombre de huit, avec roulements), charleys, cymbales, tambourins, shaker/maracas, claps/percussions latines et tom/timbales.
L'intérêt de ces catégories réside dans la possibilité de les « muter » individuellement lors du déroulement de l'accompagnement, ou d'en régler le volume. A propos de mute, les charleys fermés coupent automatiquement les charleys ouverts. Autre point digne d'intérêt concernant la batterie, les tables de réassignation MIDI en entrée et en sortie, qui pour chaque élément du kit, autorisent la programmation d'un numéro de note différent de celui du clavier (la grosse caisse en C1 pouvant par exemple être pilotée par, ou émettre, un autre numéro de note).
Avant d'enchaîner pour l'arrangeur, reste encore à mentionner la « table de mixage », (6 x 2 switches +/- agissent sur le volume de la batterie, de la basse, des parties chord 1, 2 et 3, et de la section main droite, preset ou programme, l'appui simultané sur ces deux switches forçant le volume à zéro), ainsi que le processeur d'effets numérique (quatorze réverbs, une réverb avec écho), dont la mise en/hors service affecte l'ensemble des sons.
Le chef d'orchestre
Venons-en à l'accompagnement, qui, après sélection de l'un des quarante-huit styles (rock, funk, disco, bossa...) ou plus, par adjonction d'une carte ROM, suit l'harmonie jouée à la main gauche, dûment analysée. L’arrangement est composé de quatre parties, qui en réalité, ne sont autres que celles précédemment mentionnées : bass, chord 1, 2 et 3. Le style sélectionné appelle automatiquement les sons des quatre parties qui lui sont liées, leur volume, ainsi que le tempo. Si besoin est, on pourra conserver ces réglages en transitant d'un style à l'autre. Par ailleurs, rien n'empêche de désactiver une ou plusieurs de ces quatre parties de manière à ce qu'elle(s) réponde(nt) aux notes jouées à gauche du point de split, plutôt que de jouer un rôle d'accompagnement.
Chaque style comporte neuf motifs : variation A/B/C/D, fill-in (x 3), intro et ending. Le passage d'un motif à l'autre s'effectue en pressant la touche correspondante. Sans rentrer dans les détails, citons quelques-unes des fonctions de l'arrangeur : fade-in/out, full chord (harmonisation à la main droite sur une seule touche), accélération et ralentissement du tempo, tenue des notes jouées à la main gauche (séparément pour la basse et les parties chord), jeu de la basse dépendant de la tonique de l'accord analysé ou de sa note la plus grave, etc.
À vous de jouer
Le MS5 appartient à la famille des arrangeurs dont les styles sont programmables (en partant de zéro ou en recopiant l'un des styles présélectionnés dans le but de le modifier). Pour ce faire, quarante-huit patterns de cinq motifs (deux variations au lieu de quatre) sont à votre disposition. L'enregistrement s'opère en temps réel (en Do maJeur comme sur tout arrangeur, il me semble avoir déjà expliqué pourquoi), avec quantification, et après avoir décidé du tempo, de la mesure, de la longueur du pattern (de une à deux cent cinquante-cinq mesures), de même que des presets et volumes associés à chacune des quatre parties (basse, chord 1, 2 et 3). Pour rendre les arrangements plus vivants, l'une des techniques employées par Solton consiste à déclencher des variations d'un pattern suivant que l'on jouera à la main gauche un accord de type majeur, mineur ou septième. A vous de programmer ces variations, pour introduire des nuances.
L'ensemble des réglages du panneau avant du MS5 (programmes, registres, effets, volumes...), est mémorisable dans l'une des cent douze mémoires de registres. Qui plus est, un séquenceur un peu particulier se charge d'enregistrer jusqu'à dix songs comprenant aussi bien l'accompagnement et la mélodie, que toutes les modifications infligées au MS5. Rien n'interdit ensuite, lors de la lecture, de jouer par-dessus l'un de ces songs. Précisons également que la carte RAM stocke patterns, songs, programmes et registrations, et qu'un algorithme de compression économisera jusqu'à 20 % d'espace mémoire. En cas de perte de programmes ou registres due à un écrasement intempestif, rien de plus simple que de récupérer les présélections d'usine (programmes ou registres, globalement ou partiellement), en activant la fonction reload.
Accessoires
Maintenant que cet appareil n'a plus de secrets pour vous, énumérons le genre de pédales susceptibles d'y être raccordées : pédalier de treize notes (visant à se substituer à la basse jouée au clavier), pédale à quatre switches (start/stop, fill-in 1/2/3, pédale à huit switches (registration suivante/précédente, intro/ending, rotor slow/fast, variation B/C/D, sustain), pédale de tonalité (en association avec le pédalier), pédale de volume et pédale de sustain.
Nous terminerons par le MIDI, dont l'implémentation est fort complète : canal d'émission et de réception (avec transposition), de chacune des voix de multitimbralité du générateur de son, vélocité normale ou fixe, transmission et réception du volume, mode local (avec transmission à un appareil externe), horloge MIDI en mode maître ou esclave, émission des messages active sensing et dump via SysEx.
Pour 2 250 € TTC (prix généralement constaté au 01/01/92), le Solton MS5 est un instrument d'un maniement simple et intuitif. Nul besoin de parcourir vingt fois le manuel utilisateur (au demeurant un peu succinct : à peine plus d'une quinzaine de pages), avant d'obtenir un premier résultat. Si l'affaire vous tente, pourquoi ne pas écouter la démo, qui sur environ trois minutes, résume parfaitement la situation ?
Test réalisé par Christian Braut en janvier 1992 (Keyboards Magazine n°51)