Christian SALÈS

Christian Salès est chef de prduits chez Guillard Musiques, mais surtout d'origine occitane. Le 12 novembre sort chez Wagram son premier album : OC, préparé dans la discrétion, mais qui risque fort de faire parler de lui.

Cinq ans de recherches passionnées à travers les siècles, c'est le temps que Christian Salès a pris pour composer l'album OC et faire revivre les instruments d'antan en y associant les nouvelles technologies. « Au XIIe siècle, la civilisation occitane était très en avance sur toute l'Europe par sa pensée, sa culture ... Ses poètes, ses troubadours et ses musiciens rayonnaient sur tout le continent. Il y avait une pensée, une spiritualité, une ouverture d'esprit qui était vraiment très intéressante. Cela s'est arrêté vers le XIIIe siècle avec une guerre incroyable.

Je suis allé puiser à travers la civilisation occitane des XIIe et XIIIe siècles pour développer avec des spécialistes les instruments médiévaux comme le rebec, la vièle à archet, l'organistrum, le psaltérion en partant de sculptures qu'on trouve dans les châteaux, les peintures, les parchemins...

OC représente une alliance entre cette sonorité d’instruments, les nouvelles musiques électroniques et les textes qui sont des poèmes, des prières d'époque. C'est une alchimie entre les sonorités d'instruments, les racines médiévales de la civilisation occitane et les musiques électroniques avec les synthétiseurs, les rythmiques et les atmosphères actuelles. »

Nouvelles voix originelles

Christian a fait chanter des gens du pays d'Oc, des viticulteurs, des menuisiers ... « Ce sont des voix très spéciales qui libèrent une émotion et une authenticité saisissantes. Elles ont été enregistrées, comme tous les instruments, dans des lieux naturels avec une acoustique vraiment unique : châteaux médiévaux, églises romanes, puits, cuves à vin, chacun ayant sa propre réverbération. Toute l'essence du son et toute l'émotion ont ainsi été capturées ! Il n'est pas question de sampling avec toutes ses fonctions Inhérentes ... il s'agit de prises de son acoustique. Les parties ont été écrites et jouées dans l'église ou le château, puis retravaillées et filtrées. Cela a tout de même fait intervenir six chanteurs, des chorales de quinze à trente personnes, ainsi que d'autres musiciens spécialisés dans des instruments bien particuliers. Ce sont des artistes qui ont un feeling très pointu pour arriver à transmettre toute cette émotion !

La réalisation de cet album m'a permis de collaborer avec de nombreuses personnes intervenant à différents niveaux, notamment sur les recherches historiques. Cela ferait trop de noms à citer, mais ils seront présents sur le site Internet qui comprendra également une partie technique d'enregistrement, une autre concernant la littérature et enfin, une partie précisément consacrée au développement des instruments... Bref. tout ce qui concerne les différents aspects de l'album ».

Paradoxe ?

Si plusieurs révolutions séparent notre fin de millénaire du temps des ménestrels, il saura aisément révéler les repères musicaux « en deux temps » ! « C’est en effet un album très technologique, et en même temps, simple et raffiné. On peut retrouver ses repères dans les mélodies qui sont très évocatrices, dans les sentiments qui s'en dégagent, dans les textes de troubadours et les prières qui remontent aux XIe et XIIe siècles.

Certaines ont été recueillies récemment et transmises oralement dans les campagnes. Les valeurs qui y sont véhiculées sont vraiment intéressantes et plus que jamais d'actualité ! On peut également se retrouver dans les sonorités d'instruments qui sont pleines, riches et intimes. »

Fin de siècle, le chemin a été long !

L'air de rien, notre homme se le gardait sans même prévoir de nous le faire partager! «  Je l'ai fait tranquillement, petit à petit, régulièrement, en faisant quelques prises de son, en ramenant quatre échantillons tous les week-ends! À la base, je voulais simplement me faire plaisir, sans arrière pensée commerciale. J’avais simplement l'opportunité d'avoir un peu de temps matériel et surtout l'envie de faire ce style de musique. Je suis surtout content de l'avoir terminé, mais sa sortie me fait très plaisir !

C'était un gros travail, passionnant parce qu'on se base sur l'imaginaire du Moyen-Age, sur les racines. C'est tout particulièrement intéressant en cette période charnière qu'est la fin de siècle. Cela permet de se repositionner sur le passé, sur quelques valeurs. Et puis. je suis d'origine occitane, je parle occitan et j'ai pour ainsi dire toujours baigné dedans. C'est ma culture… » 

christian sales instruments

Jusqu'au monde interactif

Depuis un an et demi environ, Christian Salès s'adonne également à la musique de jeux vidéo, notamment pour des titres comme Astérix et Obélix contre César ou Devil inside. Une autre facette du personnage... « C’est forcément venu d'une passion. J'adore les jeux vidéo, la technologie, le graphisme... On m'a proposé de faire quelques musiques et petit à petit, j'ai eu des projets de plus en plus captivants. Il y a cette rigueur interactive qui déclenche les musiques, cette rigueur de positionnement, cette rigueur émotionnelle ... c'est très poussé.

Je travaille avec le scénariste qui me décrit l'univers graphique et affectif du jeu. Il ne faut pas forcément avoir tous les éléments pour écrire la meilleure musique, elle se fait en parallèle, scène par scène et doit apporter une stimulation au joueur. C'est génial ! Les jeux vidéo deviennent vraiment intéressants avec le DVD, l'Internet, les ordinateurs de plus en plus puissants, les DSP qui arrivent sur les cartes, le son traité en 5.1... Un grand nombre d'opportunités nous attendent ! »

Une époque formidable !

Peut-on demander à un chef de produits son avis sur l'informatique musicale et les nouvelles technologies ? « Nous sommes dans la meilleure période dont un musicien puisse rêver. Il existe tous les équipements qui permettent de composer rapidement. OC est un exemple. Je l'ai conçu tout seul, avec des synthétiseurs, un échantillonneur, un petit magnétophone numérique, un micro dans la voiture et je suis allé enregistrer un peu partout. En fait, j'ai travaillé avec le matériel de "monsieur tout le monde », un équipement dédié. C'est l'idéal pour des raisons de stabilité.

Ainsi ,j'ai enregistré en numérique avec trois micros, un pré-ampli à lampes et des convertisseurs, reliés directement au magnéto : puis j'ai transféré le tout dans l'ordinateur pour effectuer les montages. Je ne l'utilise d'ailleurs que pour faire du montage et du traitement, avec des logiciels comme Sonic Works, Metasynth ou Peak Audio. Le mixage, quant à lui, a été réalisé avec une vieille console analogique et des effets externes.

Pour cette musique-là et ce genre d’atmosphère, je me suis aperçu qu’il était préférable d’utiliser ce type d’appareil.

De nos jours, je pense que le matériel électronique permettant d’enregistrer, reproduire ou éditer la musique est vraiment performant. Ainsi, tout le monde à accès à la création, à l’enregistrement et à la production et c’est ça qui est vraiment formidable.

Toujours plus

On l’aura compris, Christian Salès n’est pas quelqu’un qui recherche la lumière des projecteurs… Il nous confiera également qu’il a toujours quinze projets d’avance mais qu’il ne peut en concrétiser qu’un seul à la fois… A suivre donc. En attendant, si personne n’était dans le secret d’OC, nous sommes heureux d’en avoir parlé un peu pour lui.

www.groupe-oc.com

Instrumantarium de l’album OC
Quand l’analogique rencontre le numérique…
Instruments à cordes frottées : Psaltérion, Rebec, Vièle à archet, Vièle basse, Organistrum, Chifonie.
Instruments à cordes grattées : Guiterne, Citole, Cistre, Psaltérion.
Instruments à vent : Musette, Flûtes, Cornemuses.
Ambiances naturelles : Eglise romane de Pouzois-Minervois, Puis (Argeliers), Cuves à vin (au mixage et à l’enregistrement).
Ces instruments on été enregistrés en numérique sur un DtD avec 3 pistes. Une prise de proximité et un coupe stéréo X-Y d’ambiance.


Propos recueillis par Maritta Calvez en octobre 1999 (magazine Computer Music n°5)

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