Fort de son expérience en matière de lecteurs d'échantillons et de séquenceurs portables, il n'est pas surprenant que Roland ait décidé d'intégrer le tout dans une seule et même unité de production MIDI : le MV-30...
Ce sympathique appareil de 390 x 310 x 77 millimètres renferme un générateur de son multitimbral à lecture d'échantillons, deux processeurs d'effets numériques, un séquenceur dérivé de la célèbre série « MC », une table de mixage MIDI, un lecteur de disquette, et un générateur/lecteur de code pour asservissement de l'ensemble à un appareil permettant l'enregistrement et la reproduction des sons par aimantation rémanente d'une bande magnétique, plus communément appelé magnétophone !
Rajoutons à ces présentations d'usage, un panneau avant garni d'un pavé alphanumérique, d'un écran LCD (60 x 240 pixels), d'un alpha dial, de touches de « transport », de touches de fonction, de potentiomètres et interrupteurs, etc. Bref, une interface utilisateur confortable.
La quintessence sonore
Le générateur de son du MV-30 puise dans une ROM de formes d'ondes au format RS-PCM, et pour la plupart, multiéchantillonnées. Selon le vocabulaire propre à Roland, l'élément de base s'appelle le tone. En fonction de son type, il sera constitué d'une ou deux formes d'ondes : les types de tones à forme d'onde unique sont au nombre de deux : single et velocity-switch (deux formes d'ondes répondent chacune à une zone de vélocité), et les types de tones à double forme d'onde sont au nombre de trois : dual (superposition de deux formes d'ondes), detune (désaccord programmable de deux formes d'ondes) et velocity-mix (mixage de deux formes d'ondes contrôle en vélocité). Pour exemple, la guitare « cocotte » utilise le type velocity-switch (notes étouffées ou non), et le piano, le type velocity-mix (entre des échantillons doux et forts). Astucieux non ?
Collection de timbres
Les 24 mégabits (traduisez par 3 Mo) de mémoire interne du MV-30 renferment 220 tones, répartis en trois banques (instruments échantillonnés, formes d'ondes synthétiques, batterie), pour une polyphonie maximum de 30 formes d'ondes (à ne pas confondre avec 30 tones !). Au niveau supérieur, le son (timbre) n'est autre qu'un tone, associé de ses paramètres programmables. Au total, 128 timbres résident en mémoire, ainsi qu'un kit de batterie (une disquette contient au maximum huit de ces banques de 129 timbres).
Sur le panneau arrière, deux slots permettent d'insérer des cartes PCM de 512 Ko aux formats MV-30, série U, et D-70. Une librairie d'ores et déjà conséquente... A l'écoute des sonorités internes, on s'aperçoit que les boucles ont été effectuées avec soin. Par contre, du fait de l'absence de crossfade entre les différentes zones d'un multiéchantillon, les transitions sont parfois audibles. Dans l'ensemble, les formes d'ondes sont d'excellente qualité.
Jouez TVA résonnez TVF
L'édition d'un timbre est subdivisée en quatre pages: pitch, TVF, TVA, et LFO. Hormis les traditionnels paramètres du pitch-bend (réglable indépendamment en plus ou en moins, par exemple -5/+12), de la hauteur, du désaccord, ou de l'influence des différentes modulations (channel aftertouch, polyphonie aftertouch, LFO), la page pitch incorpore un "auto-bend" (avec profondeur, vitesse et désaccord sur l'une des formes d'ondes d'un tone de type "detune" ou sur les deux à la fois). Identique à celui du S-770 (filtre numérique ô combien réputé !), le TVF se comporte en passe bas, passe haut, ou passe bande, avec résonance, suivi de clavier, sensibilité de la fréquence de coupure au LFO, à l'aftertouch par canal, et à l'enveloppe (attack time/level, decay 1 time, decay break point level, decay 2 time, sustain level, release level).
La durée globale de cette enveloppe est contrôlable par la hauteur, alors que son niveau, ainsi que la vitesse de l'attaque et du decay 1, le sont par la vélocité. Dernier maillon de la chaîne, l'enveloppe "ADSR" d'amplitude, avec là encore sensibilité à la vélocité, à l'aftertouch par canal, et au LFO, dont on choisira la forme d'onde, la vitesse, le délai, la profondeur, la pente d'attaque, et le contrôle en modulation et aftertouch (canal et polyphonique). Vous me l'apprendrez par cœur pour la prochaine fois...
Livré en kit
L'agencement des banques se trouve facilité par des fonctions de copie, d'echange (swap), et d'initialisation de timbres, ainsi que par la possibilité de les charger individuellement à partir d'une banque disquette. Pour chacun des 64 instruments du kit de batterie, assigné à n'importe quelle note du clavier, on retrouve les principaux paramètres cités ci-dessus. Seules exceptions, le LFO n'influe plus sur la hauteur, et la vélocité est l'unique modulation routée vers les TVF/TVA ("ADR", avec sustain ON/OFF).
Toujours pour chaque instrument, deux paramètres inhabituels viennent renforcer le potentiel expressif du drum kit : la fonction randomize (variation de hauteur aléatoire dans une plage programmable, qui habilement dosée, "humanisera" le jeu), et la fonction mute, grâce à laquelle l'appui sur une note à définir coupe l'instrument en question (charley ouvert/fermé... ). Ici, les fonctions d'échange et de copie n'agissent plus entre les timbres, mais entre les instruments du kit.
Les trois font la paire
Le MV-30 étant multitimbral 8 voies, on affectera 8 des 129 timbres aux 8 pistes internes du séquenceur, en les assignant à l'une des 3 paires de sorties séparées, et en fixant leur panoramique (pour le drum kit, ces deux dernières opérations s'effectuent au niveau édition, individuellement pour chaque instrument).
De plus, l'option de panoramique aléatoire positionnera chaque note au hasard dans l'espace stéréo. Pour éviter qu'une piste ne manque de voies, il suffira de lui attribuer une réserve de polyphonie. Au niveau des sorties, seule la première paire permet d'utiliser les deux effets du MV-30 (chorus et réverbe), soit en passant par la réverbe, soit en passant par le chorus, dont la sortie pourra être dirigée vers la réverbe. Cinq mémoires sont réservées à la programmation de l'ensemble des paramètres de ces deux effets, le séquenceur enregistrant le passage de l'une à l'autre en cours de morceau (un peu comme des messages de program change). A mon goût, Roland aurait pu offrir quelques types d'effets supplémentaires...
Up to date
Plutôt que de résider en ROM, le système d'exploitation du séquenceur se charge à partir de la disquette. Ainsi, la substantifique moelle des ingénieurs Roland continuera à s'insérer dans le drive sous forme de mises à jour. Non content d'importer les formats SYS (S-50/330/550), MRC (MC-300/500), Super MRC (MC-500mkII/50/300), W-30, ou d'exporter les formats Super MRC et W-30, le MV-30 lit et écrit des MIDIfiles de type 0 ou 1 sur des disquettes 3,5 au standard PC-9801, Atari, MRM-500 Roland, et IBMPC (compatible Macintosh par l'intermédiaire d'Apple file exchange). Un bel effort d'ouverture !
De surcroît, vous pourrez charger jusqu'à 20 songs, pour éventuellement les chaîner soit automatiquement, soit par pression sur la touche play entre chacun d'entre eux (histoire de laisser s'écouler un déluge d'applaudissement ou la projection d'agrumes divers et avariés!). Comble du raffinement, le MV-30 est capable de charger automatiquement à la mise sous tension l'ensemble des songs "chaînés". Enfin, chaque song peut se sauvegarder et se charger conjointement à la banque de sons correspondante.
Pistes et patterns
Le séquenceur du MV-30 est un séquenceur 18 pistes: les huit premières sont donc réservées aux timbres internes, les huit suivantes au contrôle de générateurs de sons externes (sans limitation du nombre de canaux par piste, et avec la possibilité de les diriger simultanément vers les timbres internes), les deux dernières s'occupant respectivement de l'automation et des changements de tempo (programmables en pas à pas). La résolution est au 96e de noire, pour une capacité totale d'environ 50 000 notes (512 Ko de RAM), extensible à 120 000 (avec affichage du pourcentage de mémoire libre). Après définition du tempo et de la mesure (de 1 à 32 en numérateur, 2, 4, 8, ou 16 en dénominateur), on sélectionnera le temps réel ou le pas à pas, de même que le type standard (piste linéaire) ou le type pattern.
Dans ce dernier cas, c'est à l'utilisateur de placer sur une piste aux positions désirées les patterns enregistrés sur cette même piste (d'où une économie de mémoire lors de structures répétitives). Les pistes standards peuvent se transformer en patterns, et réciproquement.
Les modes d'enregistrement en temps réel sont au nombre de onze : normal, mix (superposition d'un nouvel enregistrement à un ancien), key-ON (départ de l'enregistrement dès la première note jouée), punch-IN/OUT manuel ou automatique, boucle sur 1, 2, 4, 8, et 16 mesures, ou entre deux locators (le décompte est absent des modes boucle).
En mode mix et en mode boucle, une fonction spéciale permettra d'effacer une certaine note, ou l'intégralité d'un intervalle compris entre deux notes, en maintenant enfoncée(s) sur le clavier la ou les notes en question. Le MV-30 dispose de dix locators programmables numériquement ou à la volée, le premier et le dernier étant réservés aux opérations de punch et de boucle. Dans le même ordre d'idée, le marquage et l'attribution d'un nom aux différentes portions d'un morceau (intro, couplet, break...) permettront d'y accéder rapidement.
Les messages indésirables s'élimineront grâce au filtre d'entrée (polyphonie aftertouch, channel aftertouch, control change, program change, pitch bend, SysEx). La quantification s'opère aussi bien à l'enregistrement (note-ON), qu'à la lecture (note-ON, note-OFF, durée des notes), avec offset programmable de ± 100 impulsions d'horloge, pour une quantification en avance ou en retard sur le temps. Avec la fonction gate, on forcera la longueur des notes enregistrées à une valeur allant de 1 à 9 999 impulsions d'horloge.
A la loupe
Le mode microscope est destiné à l'enregistrement en pas à pas, tout comme à l'édition individuelle des événements (modification insertion, suppression, déplacement, jusqu'à l'écriture de messages exclusifs avec calcul automatique des checksum Roland). Dans les deux cas, le clavier MIDI servira si besoin est à la saisie des notes et vélocités. Pour plus de lisibilité, on filtrera les statuts indésirables à l'affichage (aftertouch, pitch bend, control change...), de même que les canaux des pistes externes.
A la manière d'une molette de "jog" le déplacement de l'alpha dial provoque la lecture des événements MIDI, proportionnellement à sa vitesse. Au niveau des structures, voici quelques unes des fonctions d'édition portant sur des blocs d'événements (délimités par des locators de début et de fin): effacement des données en fonction de leur canal (uniquement sur les piste 8 à 16), et de leur statut (notes, pitch bend, control change...), copie (y compris par extraction d'un ou plusieurs types de statuts), suppression, fusion (merge), transposition ou altération des vélocités en pourcentage et offset, modification du canal MIDI ou offset de position d'un ou plusieurs types de statuts...
D'une manière générale, les processus d'éditions ne comportent aucune fonction "undo" et sont par conséquent irréversibles. Mais cette limitation se contourne aisément en effectuant une copie préalable de la portion à éditer.
In the mix
Les huit potentiomètres situés sur la gauche du volume général, affectables aux pistes 1 à 8 ou aux pistes 9 à 16, et dont les positions sont visualisables dynamiquement sur l'écran LCD, font office de console MIDI automatisée. Selon la fonction sélectionnée , ils agiront sur le volume, le panoramique, et sur les assignations de sortie et d'effets des pistes internes.
En mode manuel, leurs mouvements influeront à la manière d'une simple console de mixage, alors qu'en mode "compu mix" ils seront enregistrés parallèlement à la séquence, sur une piste d'automation spéciale, et éditable. Pour récupérer de la mémoire, on pourra réduire après coup la densité des messages générés. En imaginant que vous veniez d'importer un fichier MIDIfile contenant sur certaines pistes des événements de volume et de panoramique (contrôleurs continus 7 et 1 0), l'utilisation de la fonction "mix data conversion" les transférera sur la piste d'automation, en les transformant en des messages spécifiques, capables d'afficher le mouvement des potentiomètres.
La manipulation inverse convertira les données de la piste d'automation vers les pistes "normales" en messages de volume et de panoramique, pour exportation de la séquence. Au dessus de chaque potentiomètre, des interrupteurs "mute" couperont les messages de note des pistes correspondantes.
Des patterns au bout des doigts
Le concept "Real Phrase Sequencer" vise à déclencher un maximum de 20 patterns à partir des notes du clavier. Il convient pour cela d'associer un numéro de note au pattern sélectionné, en choisissant l'un des quatre modes de jeu suivants : loop (le pattern boucle tant que la note est tenue), one shot (le pattern ne joue qu'une fois, mais sur toute sa longueur), quick loop (le pattern démarre directement de sa première note, en sautant un éventuel silence, pour se comporter ensuite en mode loop), et quick one shot (le pattern démarre directement de sa première note, en sautant un éventuel silence, pour se comporter ensuite en mode one shot).
La synchro tape
Au niveau de la synchronisation MIDI, le MV-30 implémente les messages start, stop, continue, clock, song pointer position, et song select. La face arrière cache deux prises audio, pour écriture et lecture d'un time code développé par Roland sous le nom de "tape sync II"· Ce procédé est fonctionnellement identique au fameux FSK + SPP, ce qui signifie qu'une machine tournante (magnétophone, magnétoscope...) asservira le séquenceur à partir de n'importe quel endroit du morceau : adieu l'éternel réembobinage à zéro !
Pour démontrer l'efficacité du procédé, une cassette de démo comportant des voix sur une piste, et le code sur l'autre, accompagne le MV-30 (l'arrangement correspondant étant fourni sur la disquette de démo). En pressant simultanément les touches play + ctrl au beau milieu d'un morceau (en mode normal ou en synchro), le séquenceur transmettra rapidement tous les messages MIDI rencontrés depuis le début de la première mesure (à l'exception des messages de note), avant de se mettre à jouer.
Ainsi, on évitera de se retrouver avec une mauvaise valeur de pitch-bend, de program change, etc. En plus de réunir tous les ingrédients nécessaires à l'élaboration d'une production MIDI dans moins de 4 kg (excepté le clavier, la portabilité constituant justement l'un de ses principaux atouts), le MV-30 regorge de fonctions astucieuses et innovatrices. Un intégré tout à fait séduisant, pour un prix public de 2 100 € TTC, généralement constaté au 1/3/91.
Test réalisé par Christian Braut en mars 1991 (Keyboards Magazine n°42)