Cheetah MS6

Verdict

Qualité sonore : 73% - 3 Votes
Ergonomie : 55% - 3 Votes
Rapport Qualité / Prix : 53.5% - 2 Votes

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Puisque l'industrie du disque, fière d'un nouveau souffle seventies, fait figure de maison de retraite, je ne vois pas pourquoi le synthétiseur ne suivrait pas la tendance générale. C'est donc un retour aux sources que nous offre Cheetah, avec son expandeur MS6, aux couleurs analogiques. Multitimbral et polyphonique six voies, il bénéficie bien entendu de toute les technologies actuelles ...

A l'heure où Allnot, grand devin devant l'éternel, entame une rubrique Synthé Story, et où les vieilleries se MIDifient (MIDimoog... ), quoi de plus naturel que de renouer avec les traditions d'antan et autres VCO, VCF, VCA. Et même si certains n'ont jamais abandonné ce grain qui nous est cher (Oberheim, Prophet, PPG... ), Ia plupart des constructeurs l'a délaissé au profit de nouvelles synthèses aux appellations complexes.

Même si celles-ci ont fait leurs preuves, force nous est de constater qu'elles sont inadaptées à la chaude production de signaux carrés, triangulaires, et oscillations du même ordre. Prenez un générateur de son numérique " X ", enlevez-lui tous ses effets, réglez un seul oscillateur sur une forme d'onde traditionnelle, et essayez divers réglages de filtre et de résonance.

Il y a fort à parier que le résultat ne soit pas brillant. A l'inverse, une machine analogique se voit dans l'incapacité d'imiter quoi que ce soit d'acoustique. D'où le célèbre proverbe keyboardsien : une place pour chaque synthèse et chaque synthèse à sa place ...

Economie, ergonomie

Qu'on se le dise, le MS6, haut comme trois tiers d'unité, combine la construction de sons en style traditionnel avec les MIDifications et mémorisations contemporaines. La face arrière, dépouillée à l'excès, n'est constituée que des trois prises MIDI habituelles et d'une sortie jack.

L'avant se partage un affichage numérique à quatre caractères, suivi à droite de deux rangées de six touches. Les deux dernières de chaque sont affectées aux sélections de modes (play, edit...) et à la saisie des valeurs, tandis que les huit autres gérant les numéros des paramètres d'édition et des sons.

Cette numération est du style Roland puisqu'unités et dizaines vont de 1 à 8. C'est de l'octadécimal! Côté mémoire, c'est le colosse de ROM. Cinq banques se partagent 320 sons préprogrammés et classés par famille : strings, piano/ clavinets, brass, organs, affects/vox, string/brass, bass, sync/lead, wave mixes, percussion/affects, solos, harpsichords, synth brass. Du grand art analogique.

Vous êtes presque dispensés de l'achat d'un logiciel bibliothécaire, car la plupart des sonorités usuelles sont représentées. Pour usage personnel, les banques 6 (sons 11 à 88) et 7 (11 à 48), stockeront 96 de vos propres programmations. La banque 8 est quant à elle strictement réservée aux 64 performances, en mode multitimbral. Rien de bien compliqué jusqu'ici...

Programmer ? mais c'est très simple !

Depuis l'arrivée en force de la F.M., la programmation est devenue un jeu intellectuel réservé à une élite, et détournant souvent le musicien de son rôle premier. Enseveli sous une avalanche de paramètres, ce dernier avait jusqu'à présent tendance à courir aux quatre coins du téléchargement et autres banques de sons pour élargir le champ d'action de son synthé, voir carrément à en changer après usage intensif des presets d'usine. Rien de tel avec le MS6 qui suit au pied de la lettre, la chaine oscillateur, filtre, amplitude, plus connue des habitués sous le nom de DCO, VCF, VCA.

Une polyphonie de six notes peut vous paraître un peu courte, mais il faut savoir que chaque voie est construite autour de deux oscillateurs A et B. Leurs formes d'ondes sont au nombre de trois : carrée, triangulaire et dents de scie, auxquelles on ajoute un bruit blanc pour l'oscillateur B.

La largeur d'impulsion réglable du signal carré s'asservira éventuellement à l'une des deux enveloppes, ou à un LFO, qui module également la hauteur (de même que l'une de ces enveloppes). Quatre positions d'octave règlent globalement cette hauteur, tandis que l'accordage grossier s'effectue par demi-tons (+/- 12), et l'accordage fin (uniquement sur l'oscillateur B) par pas de 3 cents(+/- 93).

Les variations de hauteur sont aussi contrôlées par le pitch-bend ou l'aftertouch. Les oscillateurs A et B peuvent être synchronisés et mixés, en niveau ou suivant une enveloppe. Voilà un petit expandeur qui est à la hauteur !
cheetah MS6
Silence, on filtre...

Suite logique de l'oscillation, le filtrage va soustraire les harmoniques indésirables par un principe dont la réputation n'est plus à faire : le passe-bas à 24 dB/ octave. Résonance, LFO, enveloppe et aftertouch, se feront un plaisir d'influer tout en finesse sur le filtre, et le suivi de clavier adoucira des aigus trop criards. Après le timbre, l'enveloppe, pour amplifier sans déformer.

Ne comptez pas trouver des pentes, niveaux, et multiples points d'enveloppe. C'est toujours du traditionnel ADSR, mais quelque peu évolué. La phase de sustain peut être court-circuitée, les temps de decay et de release influencés par la note joué, et le volume général (ou tout simplement l'attaque) affecté par la vélocité.

N'oubliez pas que les enveloppes sont au nombre de deux, que la première est automatiquement dédiée au volume, mais que filtre, largeur d'impulsion et hauteur, puiseront indifféremment dans l'une ou l'autre. Et le LFO ? Réglable en vitesse, et après un certain délai, son allure est triangulaire, en dents de scie, carrée ou aléatoire. Vous voyez, tout l'explicatif tient en à peine deux paragraphes. Pourquoi diantre se priver des joies saines de la programmation ? Dommage tout de même qu'on ne puisse nommer les sons…
cheetah MS6 rearPerformance homologuée

Le mode performance, ou multitimbral, est d'une simplissime évidence : choix du son, de ses limites inférieure et supérieure, de son nombre de voies de polyphonie, de son volume et de son canal MIDI. Il manque cruellement, en plus de quelques sorties séparées, une fonction de désaccord, qui obligera à stocker deux sons légèrement détunés pour obtenir un effet de chorus.

Dans le style gâchis de mémoire pour économie d'un paramètre, c'est très fort (à propos d'économie le MS6, vous coûtera 800 €, (prix public TTC généralement constaté au 1/1/90). Par contre, le mode overflow (spillover comme dirait l'éminent Ramon) permet d'étendre la polyphonie générale en passant à son voisin (un autre MS6), les notes additionnelles ne pouvant être jouées pour cause de dépassement de capacité. Comme toute unité qui se respecte, le dump en système exclusif est de mise, si ce n'est un manufacturer's ID (3SH) non encore ratifié par la norme MIDI 4.0/1.1.

Mais laissons là cette inutile polémique pour rendre un verdict des plus objectifs. En cette époque captivante où synthétiseurs et instruments acoustiques trouvent enfin leur équilibre dans la production musicale, il est indispensable de n'être pas confiné dans les deux ou trois presets à la mode.

Le MS6, de par une simplicité d'emploi évidente, une bibliothèque décoiffante, et une couleur chaleureuse, trouvera tout naturellement sa place entre une caisse claire early réflectée et un Digital Native Dance. En voilà un heureux complément...

 Test réalisé par Christian Braut en février 1990 (Keyboards Magazine n°30)

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