erick benzi

Auteur, compositeur, arrangeur, producteur, réalisateur… Autant de casquettes que porte Erick Benzi, un artiste avec un grand A, dont les nombreuses collaborations laissent rêveur : JJ Goldman, Florent Pagny, Céline Dion, Yannick Noah, Roch Voisine, Garou, Patricia Kaas, Anggun…

Peux-tu nous retracer ton parcours ?

J’ai commencé, il y a vingt ans, dans un groupe qui s’appelait Canada. On a connu les galères du début et puis en 1989, le single "Mourir les sirènes" a très bien fonctionné. A partir de là, nous avons enchaîné sur le schéma classique avec les tournées et puis nous avons décidé de nous séparer en 1989, tout à fait amicalement. Le but était que chacun puisse exprimer ses propres idées de son côté puisque nous étions quand même à la base trois compositeurs : Jacques Veneruso, Gildas Arzel et moi-même.

J’avais déjà un peu commencé à toucher un peu à la réalisation et je me suis donc orienté plus dans cette voie. Tout d’abord chez EMI, parce que nous étions artistes chez eux, et ensuite Jean-Jacques Goldman m’a demandé de travailler avec lui. Je le connaissais déjà puisque Canada avait fait une tournée avec lui. Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que dure notre collaboration.

Comment es-tu venu aux synthétiseurs et à la MAO ?

Je suis musicien de base. J’ai commencé par apprendre le clavier et je me suis mis à toucher un peu à tout. J'ai découvert la programmation dès que les ordinateurs sont arrivés. Pendant pas mal d’années, j’ai fait plus de réalisation que d’écriture. Maintenant, j’essaye plutôt d’inverser. On me demande beaucoup plus d’écriture et même si je programme toujours, je travaille différemment.
C’est une volonté de ta part ?

D’abord, il faut savoir que c’est beaucoup plus gratifiant d’écrire que de réaliser. Disons que c’est plus excitant de créer une chanson. Ensuite, cela permet de ne pas tomber dans la routine de la réalisation, d’autant que cette dernière prend énormément de temps, ce qui suppose qu’on ne peut réaliser que deux ou trois albums par an.

Aujourd’hui, j’ai mis au point un système qui me permet d’écrire plus en déléguant en partie la réalisation à des équipes que j’ai formées. Cette vision des choses est toute récente pour moi.

Quelle était ta première réalisation ?

Euh… payante ? (rires). Cela remonte à très longtemps. J’ai beaucoup fait de musique africaine au tout début avec notamment des équipes du Zaïre et j’ai appris énormément, par exemple la manière de faire groover des rythmes africains. C’étaient des groupes pas du tout connus en France, mais très célèbres dans leur pays. Ensuite, la première grosse production fut l’album de Vivien Savage et puis tout s’est enchaîné : des albums, des singles…

Puis, il y a eu la période Goldman, d’abord comme programmeur/arrangeur avant de passer réalisateur. La première collaboration fut pour "Fredericks Goldman Jones", ensuite il y a eu "Rouge", "En passant" et je viens de terminer "Chansons pour les pieds".

Entre tout cela, il y a eu Céline Dion, Roch Voisine, Florent Pagny (3 albums avec lui), Johnny Halliday, Angunn (2 albums), Yannick Noah, l’album de Carole Fredericks, celui de Nanette Wordkman et des singles pour Khaled, Blankass, Cheb Mami, Marc Lavoine, Garou…Et là, je viens de terminer l’album d’une chanteuse débutante qui va faire l’Eurovision cette année : Sandrine François. Elle est chez BMG et a une voix magnifique. Je travaille en ce moment sur l’album de Daniel Lévy (Les 10 commandements) qui a une voix exceptionnelle.

En parallèle, j’ai le projet de remonter un groupe avec les complices du début (Jacques Veneruzo et Gildas Arzel). On n ‘a pas encore le nom, mais cela ne sera pas Canada. C’est plus pour le fun parce qu’on a toujours adoré les chansons du genre Eagles, tout ce qui est acoustique/vocal. On aime ce style, on écrit des chansons de ce genre et on s’aperçoit que le marché en France fait qu’il n’y a personne pour les chanter. On va essayer de travailler à la fois sérieusement et décontracté, tout en continuant nos activités réciproques. L’ album sera en français et les sessions débutent très prochainement.

Est-ce une volonté de ta part d’être très orienté chanson française ?

C’est à dire que déjà j’habite en France, ce qui est plus facile. Cela dit, j’ai eu deux, trois contacts avec des canadiens/américains à l’époque où j’allais un peu plus au Québec pour travailler avec l’équipe de Céline. Sinon mes seules expériences un peu "internationales" c’est sur la chanson "Qui sait" pour Solidarité Sida. C’était un collectif avec une douzaine d’artistes dont Peter Gabriel, Youssoun N’Dour, Zucchero… Ils sont venus chanter au studio et c’était vraiment très sympa.

J’ai aussi été contacté à une époque par l’équipe de Real World parce qu’ils cherchaient des réalisateurs un peu nouveaux avec un profil ouvert. Mais il est vrai que le gros de mon travail c’est de la chanson franco/française parce que je suis en France et je pense savoir bien faire cela.

Et puis, j’arrive aussi à un âge où je n’ai plus trop envie de courir à l’autre bout du monde. Si les artistes viennent, c’est avec plaisir, mais me déplacer, je deviens un peu moins motivé. Mais après tout, pourquoi pas un jour prochain ? Le hasard des rencontres... Mais c’est surtout une histoire de facilité : mon savoir-faire et mes structures sont implantés ici.

Comment naissent les projets et la volonté de travailler avec tel ou tel artiste ?

Il y a une époque où effectivement on ne choisit pas ce qu’on fait. On prend un peu ce qui passe parce qu’il faut manger. Cela dit, on rencontre des gens et on peut avoir de très bonnes surprises. J’ai quand même eu le privilège de pouvoir choisir avec qui je voulais travailler et j’apprécie particulièrement les artistes qui ont des voix, qui chantent.

Parfois, je me permets de refuser là où je pense que je ne vais pas être optimal. Il y a pour moi une espèce de minimum syndical de textes. Et puis j’alterne : un album très acoustique, ensuite un album très machine. J’essaye un peu de me balader, passer d’un chanteur à une chanteuse. Cela permet d’éviter la routine et se remettre en question. Apprendre aussi à diriger de nouveaux artistes, c’est bien de pouvoir faire profiter de son savoir-faire.

Tu ne serais pas un peu Popstar, par hasard (rires) ?

Non, Popstar, pour moi, c’est l’exubérance d’un système. J’ai écouté le disque et quelle que soit la manière dont il a été réalisé, ce n’est pas pire qu’un autre, c’est même plutôt bien conçu. La question que je me pose c’est : comment à terme, sur la durée, cela peut intéresser le public ?

Quand tu prends un artiste du berceau jusqu’au succès, qu’est ce qu’il y a encore comme mystère à découvrir ? A part une radioscopie de l’estomac, je ne vois pas ce qu’il peut donner de plus. Est-ce que sur la longueur, le public va être fidèle ? A côté, il y a des gens qui considèrent que cela prend de la place sur les ondes. Je pense qu’on a la société qu’on mérite. Cela fait longtemps qu’on parle d’industrie musicale et non de musique.

S’il y avait une sincérité de la part de ceux qui critiquent, sans arrière pensée du genre "c’est bête que ça ne soit pas moi qui l’ai fait en premier", ça m’irait. Mais malheureusement, j’ai peur que ça ne soit pas le cas. On va retomber dans le schéma "qu’est ce qui est bien et qu’est ce qui n’est pas bien". Les goûts et les couleurs, on ne peut pas discuter.

Tout ce qu’on peut dire c’est que je fais de la musique de variété : ce n'est pas mythique, ce n'est pas important. J’essaye de donner un minimum de plaisir aux gens. La seule chose, c’est de se dire : évitons d’être vulgaire.

Gainsbourg disait que ce qu’il faisait était un art mineur…

Oui, je le pense également, à la différence qu’il faut du majeur et du mineur comme dans les accords. A terme, on peut se demander si Madonna n’a pas donné plus de plaisir que Mozart, à une certaine catégorie de gens. Si la fonction est de donner quelques minutes de bien être à des personnes, pourquoi pas. Il faut simplement éviter la vulgarité.
Maintenant, une belle chanson écrite avec un joli texte et qui touche des gamines de 20 ans, a autant de sens, mais effectivement, ce n’est pas un art majeur. Pour moi, la différence entre mineur/majeur, pour reprendre Gainsbourg, c’est qu’il y a un art où il faut un apprentissage et un autre qui est instantané, comme pour le mineur, parce qu’on n’a pas besoin d’avoir fait des études sur une œuvre pour la ressentir.

Quand on écoute Brahms ou Wagner, forcément pour apprécier, on est obligé d’avoir étudié. C’est comme pour la peinture, il faut étudier un tableau pour mieux le sentir et le génie de certains (Mozart ou Beethoven), c’est justement de toucher des gens qui n’ont jamais fait d’études. Mais c’est un art qui passe les siècles, qui dure. Je souhaite à un tas de gens d’avoir une longévité aussi grande.

Je fais un art mineur et je n’en suis ni fier, ni complexé. On fait ce que l’on sait faire. Je ne compose pas de jazz, je ne le ferais jamais mais je sais qu’il y a d’excellents musiciens. Maintenant, est-ce que le jazz est mieux que ce que je fais, c’est une question qui m’indiffère.

erick-benzi.com

Propos recueillis par Ludovic Gombert le 29 janvier 2002 (musicrun.com)

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